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LE CHINOIS

habileté ce peuple sut appliquer à sa langue, si curieuse, un ensemble de caractères peu faits en apparence pour répondre à ce qu’on allait lui demander.

Étant donné le grand nombre d’homophonies d’une langue monosyllabique, c’est-à-dire le grand nombre de syllabes formées des mêmes éléments phoniques, bien que répondant à des idées forts distinctes, il y avait une difficulté sérieuse à déterminer dans un système graphique les sens multiples des homophonies en question. Les Chinois arrivèrent à ce résultat par l’emploi de deux sortes de signes.

Leur première espèce de caractères ne se compose que d’images, que de vrais dessins : l’image d’un arbre, d’une montagne, d’un chien. Tantôt on les emploie indépendants, isolés ; tantôt on les accouple pour rendre une idée plus ou moins complexe. C’est ainsi que l’image de l’eau et celle d’un œil, si elles sont juxtaposées, rendent l’idée de larmes ; une porte et une oreille rendent l’idée d’entendre ; le soleil et la lune rendent l’idée d’éclat. Il faut également ranger parmi les véritables dessins les groupements de lignes ou de points, qui figurent, ou bien des nombres — un, deux, trois — ou bien l’état de supériorité, d’infériorité, d’inclinaison vers tel ou tel côté, et ainsi de suite.

Il fut un temps où ces caractères, où ces images, éveillaient d’une façon directe grâce à l’exactitude de leur représentation, la notion qu’ils étaient appelés à rendre. Mais peu à peu ces traits naïfs et véridiques perdirent leur forme originelle. Dans les signes qui laissent entendre aujourd’hui les idées de chien, de soleil, de lune, de montagne, on ne retrouve plus de prime abord les images anciennes qui évoquaient de façon directe ces diverses idées. Les caractères de cette première espèce ont été évalués au nombre minime d’environ deux cents[1].

  1. Abel Rémusat, Recherches sur l’origine et la formation de la