Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/249

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départ. Les picotements importuns dont nous étions continuellement harcelés, nous annonçaient assez que nos vêtements étaient peuplés de cette vermine immonde, à laquelle les Chinois et les Tartares s'accoutument volontiers, mais qui est toujours pour les Européens un objet d'horreur et de dégoût. Les poux ont été la plus grande misère que nous ayons eu à endurer pendant notre long voyage ; nous avons eu à lutter et à nous raidir contre la faim et la soif, contre des froids horribles et des vents impétueux ; pendant deux années entières, les bêtes féroces, les brigands, les avalanches de neige, les gouffres des montagnes n'ont jamais cessé de faire planer, en quelque sorte, la mort sur nos têtes ; cependant tous ces dangers et toutes ces épreuves, nous les avons regardés comme peu de chose, en comparaison de cette affreuse vermine dont nous sommes souvent devenus la proie.

Avant de partir de Tchagan-Kouren, nous avions acheté dans une boutique de droguiste pour quelques sapèques de mercure. Nous en composâmes un spécifique prompt et infaillible contre les poux. La recette nous avait été autrefois enseignée, pendant que nous résidions parmi les Chinois ; et au cas qu'elle puisse avoir quelque utilité pour autrui, nous nous faisons un devoir de la signaler ici. On prend une demi-once de mercure, qu'on brasse avec de vieilles feuilles de thé, par avance réduites en pâte par le moyen de la mastication ; afin de rendre cette matière plus molle, on ajoute ordinairement de la salive, l'eau n'aurait pas le même effet ; il faut ensuite brasser et remuer, au point que le mercure se divise par petits globules aussi fins que de la poussière. On imbibe de cette composition mercurielle