Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/197

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sous terre un bruit sourd et majestueux, semblable au tumulte que font les torrents, quand ils roulent leurs ondes à travers les rochers des montagnes. Le bruit avança avec une épouvantable rapidité, et on vit bouillonner le petit étang au bord duquel le vieillard avait dressé sa tente. Bientôt, la terre éprouva de grandes secousses, les eaux souterraines montèrent avec impétuosité, et se répandirent comme une grande mer au milieu de ces plaines immenses ; il périt des bestiaux innombrables et beaucoup de familles qui n'eurent pas le temps de se sauver. Le vieillard fut le premier englouti dans les flots.

Le Lama qui emportait le secret de cette grande catastrophe, arriva dans le royaume d'Oui, et trouva ses compatriotes plongés dans une grande consternation ; ils avaient entendu dans la vallée un tumulte effroyable, et nul ne pouvait en assigner la cause. Il raconta l'histoire du vieillard aveugle, et après son récit, tout le monde comprit que le fracas qu'on avait entendu, avait été produit par la mer souterraine, au moment où elle s'était transportée à l'orient. On reprit avec enthousiasme les travaux de construction qui avaient été abandonnés, et on éleva un temple magnifique, qui est encore debout. Grand nombre de familles allèrent s'établir aux environs du temple, et peu à peu se forma une grande ville, qui prit le nom de Lha-Ssa (Terre des Esprits).

Cette singulière chronique sur l'origine de la mer Bleue, nous fut d'abord racontée, pour la première fois, dans le Koukou-Noor ; on nous la répéta ensuite à Lha-Ssa, à peu près avec les mêmes circonstances. Il nous a été impossible de