Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/226

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soin do se mettre bien à l'abri du vent. Pendant le reste de la journée, et surtout pendant la nuit, nous étions dans l'appréhension continuelle de mourir gelés. Tout le monde eut bientôt la figure et les mains crevassées. Pour donner une certaine idée de ce froid, dont il est impossible de bien comprendre la rigueur, à moins d'en avoir éprouvé les effets, il suffira de citer une particularité qui nous parait assez frappante. Tous les matins, avant de se mettre en route, on prenait un repas, et puis on ne mangeait que le soir lorsqu'on était arrivé au campement. Comme le tsamba n'était pas un mets assez appétissant, pour que nous pussions en manger tout d'un coup une quantité suffisante pour nous soutenir durant la route, nous avions soin d'en pétrir dans du thé trois ou quatre boules que nous mettions en réserve pour la journée. Nous enveloppions cette pâte bouillante dans un linge bien chaud, et nous la placions sur notre poitrine. Nous avions par-dessus tous nos habits, savoir : une robe en grosse peau de mouton, puis un gilet en peau d'agneau, puis un manteau court en peau de renard, puis enfin une grande casaque en laine. Hé bien, durant ces quinze jours, nos gâteaux de tsamba se sont toujours gelés ; quand nous les retirions de notre sein, ce n'était plus qu'un mastic glacé qu'il fallait pourtant dévorer, au risque de se casser les dents, si nous ne voulions pas mourir de faim.

Les animaux, accablés de fatigues et de privations, ne résistaient plus que difficilement à un froid si rigoureux. Les mulets et les chevaux étant moins vigoureux que les chameaux et les bœufs à long poil, réclamèrent des soins extraordinaires. On fut obligé de les habiller avec de grands