Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tait un homme d'une cinquantaine d'années ; sa figure large, épanouie et d'une blancheur remarquable, respirait une majesté vraiment royale ; ses yeux noirs, ombragés de longs cils, étaient intelligents et pleins de douceur. Il était vêtu d'une robe jaune doublée de martre-zibeline ; une boucle ornée de diamants était suspendue à son oreille gauche, et ses longs cheveux, d'un noir d'ébène, étaient ramassés au sommet de la tête, et retenus par trois petits peignes en or. Son large bonnet rouge, entouré de perles et surmonté d'une boule en corail, était déposé à côté de lui sur un coussin vert.

Aussitôt que nous fûmes assis, le Régent se mit à nous considérer longtemps en silence et avec une attention minutieuse. Il penchait sa tête tantôt à droite, tantôt à gauche, et nous souriait d'une façon moitié moqueuse et moitié bienveillante. Cette espèce de pantomime nous parut, à la fin, si drôle, que nous ne pûmes nous empêcher de rire. — Bon ! dîmes-nous en français et à voix basse, ce monsieur paraît assez bon enfant ; notre affaire ira bien. — Ah ! dit le Régent, d'un ton plein d'affabilité, quel langage parlez-vous ? Je n'ai pas compris ce que vous avez dit. — Nous parlons le langage de notre pays. — Voyons, répétez à haute voix ce que vous avez prononcé tout bas. — Nous disions : Ce monsieur paraît assez bon enfant. — Vous autres, comprenez-vous ce langage, ajouta-t-il, en se tournant vers ceux qui se tenaient debout derrière lui ? — Ils s'inclinèrent tous ensemble, et répondirent qu'ils ne comprenaient pas. — Vous voyez, personne ici n'entend le langage de votre pays ; traduisez vos paroles en thibétain. — Nous disions que, dans la physionomie du premier Kalon, il