Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/303

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jamais de vue l'éternité. Si on nous traite bien, nous remercierons le bon Dieu ; si on nous traite mal, nous le remercierons encore, car nous aurons le bonheur de souffrir pour la foi. Si on nous fait mourir, le martyre sera un beau couronnement de nos fatigues. Après seulement dix-huit mois de marche arriver au ciel, n'est-ce pas là un bon voyage ? n'est-ce pas avoir du bonheur ? Qu'en dis-tu, Samdadchiemba ? — Moi, je n'ai jamais eu peur de la mort ; si on me demande si je suis chrétien, vous verrez si je tremble !

Ces excellentes dispositions de Samdadchiemba nous remplirent le cœur de joie, et dissipèrent complètement l'impression fâcheuse que cette mésaventure nous avait occasionnée. Nous fûmes un instant sur le point de prévoir les questions qu'on nous adresserait, et les réponses que nous aurions à y faire ; mais nous repoussâmes ce conseil de la prudence humaine. Nous pensâmes que le moment était venu de nous en tenir strictement à ces paroles que Notre-Seigneur adressait à ses disciples : Quand on vota conduira aux synagogues, aux magistrats et aux puissances, ne soyez point en peine de quelle manière vous répondrez, etc. — Il fut seulement convenu qu'on saluerait le Mandarin à la française, et qu'on ne se mettrait pas à genoux en sa présence. Nous pensâmes que, lorsqu'on a l'honneur d'être chrétien, missionnaire et Français, on peut sans orgueil se tenir debout devant un Chinois quelconque.

Après quelques moments d'antichambre, un jeune Chinois élégamment vêtu et plein de gracieuses manières, vint nous annoncer que Ki-Chan, grand ambassadeur du