Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/336

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texte que nous allions procurer la mort d'un être vivant. — Sois sans crainte, lui dîmes-nous ; ton pou n'est pris que par l'épiderme ; d'ailleurs, il parait assez vigoureux pour se tirer victorieusement de ce mauvais pas. — Le Régent, qui, comme nous l'avons dit, avait un symbolisme plus épuré que celui du vulgaire, dit au Lama de garder le silence et de nous laisser faire. Nous continuâmes donc l'expérience, et nous fixâmes à l'objectif cette pauvre petite bête, qui se dépitait de toutes ses forces, à l'extrémité des brucelles. Nous invitâmes ensuite le Régent à appliquer l'oeil droit, en clignant le gauche, au verre qui se trouvait au haut de la machine. — Tsong-Kaba ! s'écria le Régent, ce pou est gros comme un rat ... Après l'avoir considéré un instant, il leva la tête et cacha sa figure dans ses deux mains, en disant que c'était horrible à voir. Il voulut dissuader les autres de regarder, mais son influence échoua complètement. Tout le monde, à tour de rôle, alla se pencher sur le microscope, et se releva en poussant des cris d'horreur. Le Lama-secrétaire, s'étant avisé que son petit animal ne remuait plus guère, réclama en sa faveur. Nous enlevâmes les brucelles, et nous fîmes tomber le pou dans la main de son propriétaire. Mais hélas! la pauvre victime était sans mouvement. Le Régent dit en riant à son secrétaire : — Je crois que ton pou est indisposé ;... va, tâche de lui faire prendre une médecine ; autrement, il n'en reviendra pas.

Personne ne voulant plus voir des êtres vivants, nous continuâmes la séance, en faisant passer sous les yeux des spectateurs une petite collection de tableaux microscopiques. Tout le monde était dans le ravissement, et on ne