Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/348

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depuis le Régent jusqu'à notre marchand d' argols, tout le monde s'est entendu pour nous cacher la vérité, il faut convenir que les relations, qui ont donné cours à de pareilles fables, ont été écrites avec bien peu de circonspection.

Il nous a été impossible de voir le Talé-Lama ; ce n'est pas qu'on soit très-difficile pour laisser pénétrer les curieux ou les dévots jusqu'à lui, mais nous en avons été empêchés par une circonstance assez bizarre. Le Régent nous avait promis de nous conduire au Bouddha-La, et nous étions sur le point de faire cette fameuse visite, lorsqu'on s'imagina que nous donnerions la petite vérole au Talé-Lama. Cette maladie venait effectivement de se déclarer à Lha-Ssa, et on prétendait qu'elle avait été apportée de Péking par la grande caravane qui était arrivée depuis peu de jours. Comme nous avions fait partie de cette caravane, on nous demanda s'il ne serait pas mieux d'ajourner notre visite, que d'exposer le Talé-Lama à gagner la petite vérole. L'observation était trop raisonnable pour que nous eussions quelque chose à objecter.

La crainte que les Thibétains ont de la petite vérole, est inimaginable. Ils n'en parlent jamais qu'avec stupeur, et comme du plus grand fléau qui puisse désoler l'espèce humaine. Il n'est presque pas d'année où cette maladie ne fasse à Lha-Ssa des ravages épouvantables ; les seuls remèdes préservatifs que le gouvernement sache employer, pour soustraire les populations à cette affreuse épidémie, c'est de proscrire les malheureuses familles qui en sont atteintes. Aussitôt que la petite vérole s'est déclarée dans une maison, tous les habitants doivent déloger, et se réfugier, bon gré, mal gré, loin de la ville, sur le sommet des