Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/363

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permis de nous rendre coupables d'une injustice actuelle et certaine, par la crainte imaginaire d'un malheur à venir ?

Ki-Chan reprochait au Régent de négliger les intérêts du Talé-Lama, et le Régent de son côté accusait Ki-Chan de profiter de la minorité du souverain, pour tyranniser le gouvernement thibétain. Quant à nous, au milieu de ce malheureux conflit, nous refusions de reconnaître l'autorité du Mandarin chinois, et nous déclarions que nous ne quitterions pas le pays sans un ordre formel du Régent, qui nous assurait constamment qu'on ne lui arracherait jamais un acte semblable.

La querelle s'envenimant tous les jours de plus en plus, Ki-Chan se décida enfin à prendre sur lui de nous faire partir. Les choses en vinrent à un tel point, que la prudence nous fit une obligation de céder aux circonstances, et de ne pas opposer une plus longue résistance, de peur de compromettre le Régent, et de devenir, peut-être, la cause de fâcheuses dissensions entre la Chine et le Thibet. En nous raidissant contre cette injuste persécution, nous avions à craindre d'irriter trop vivement les Chinois, et de fournir des prétextes à leur projet d'usurpation sur le gouvernement thibétain. Si, à cause de nous, une rupture venait malheureusement à éclater entre Lha-Ssa et Péking, on ne manquerait pas de nous en rendre responsables ; nous deviendrions odieux aux yeux des Thibétains ; et l'introduction du christianisme dans ces contrées souffrirait peut-être dans la suite de plus grandes difficultés. Nous pensâmes donc qu'il valait mieux courber la tête, et accepter avec résignation le rôle de persécutés. Notre conduite prouverait du moins aux Thibétains que nous étions