Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/372

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comprendre du tout l'importance de désigner les dates et les années par des noms particuliers. Un des plus hauts fonctionnaires de Lha-Ssa, un Lama très-renommé, nous disait que la méthode chinoise pour compter les années était très-embarrassante, et ne valait pas la simplicité de la manière thibétaine ; il trouvait plus naturel de dire tout bonnement, pour désigner les dates : Celle année-ci, l'année dernière, il y a vingt ans, il y a cent ans, et ainsi de suite ... Comme nous lui disions que cette méthode n'était bonne qu'à faire de l'histoire un gâchis inextricable ; — Pourvu qu'on sache, nous répondait-il, ce qui s'est passé dans les temps anciens, c'est l'essentiel. À quoi bon connaître la date précise des événements ? Quelle utilité y at-il à cela ?

Ce mépris, ou du moins cette indifférence pour la chronologie, se fait remarquer, en effet, dans la plupart des ouvrages lamaïques ; ils sont souvent sans ordre, sans date, et n'offrent au lecteur qu'un ramassis d'anecdotes entassées les unes sur les autres, sans qu'on puisse avoir rien de bien précis, ni sur les personnages, ni sur les événements. Par bonheur, l'histoire des Thibétains, se trouvant continuellement mêlée à celle des Chinois et des Tartares, on peut s'aider utilement de la littérature de ces derniers peuples, pour mettre un peu d'ordre et de précision dans la chronologie thibétaine.

Pendant notre séjour à Lha-Ssa, nous avons eu occasion de remarquer que les Thibétains sont très-mauvais chronologistes, non-seulement pour ce qui concerne les grandes dates, mais encore pour la manière de supputer journellement le quantième de la lune. Leur almanach est d'une