Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/425

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une trop agréable partie de plaisir. O ! comme nous eussions cédé volontiers notre place à quelques-uns de ces intrépides touristes, que l'amour de la neige et des glaces, des rochers et des précipices, conduit tous les ans, en cabriolet, au milieu des Alpes, ces miniatures des montagnes du Thibet.

Une chose peu propre à nous encourager, c'est que les gens de la caravane, les habitants même du pays, tout le monde paraissait préoccupé et inquiet. On se demandait avec anxiété, si la neige, qui était tombée en abondance pendant cinq jours, et qui n'avait pas encore eu le temps de s'affaisser, ne rendrait pas la montagne infranchissable ; si l'on n'avait pas à craindre de s'enfoncer dans des abimes ou d'être écrasé par des avalanches ; si, enfin, il ne serait pas prudent d'attendre quelques jours, dans l'espoir que la neige serait dispersée par le vent, ou fondue en partie par le soleil, ou solidifiée par le froid. A toutes ces questions, on n'avait que des réponses fort peu rassurantes. Afin de nous mettre à l'abri de la pusillanimité et de la présomption, nous tînmes, avant de nous coucher, un conseil auquel nous appelâmes les vieux montagnards de la contrée. Après une longue délibération, on décida, premièrement, que si le lendemain le temps était calme et serein, on pourrait se mettre en route sans témérité ; secondement, que, dans l'hypothèse du départ, les bœufs à long poil chargés des bagages, et conduits par les gens du pays, précéderaient les cavaliers, afin de leur tracer, dans la neige, un chemin plus facile. La chose étant ainsi arrêtée, nous essayâmes de prendre un peu de repos, comptant médiocrement sur les avantages de ce plan, et beaucoup sur la protection de la divine Providence.