Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/436

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uniformité qui finit par devenir fatigante. Une relation détaillée d'un voyage dans le Thibet, pouvant par contrecoup se ressentir de cette monotonie, nous nous abstiendrons, de peur de tomber dans de trop fastidieuses répétitions, de parler des montagnes ordinaires ; nous nous contenterons de mentionner les plus fameuses, celles qui, selon l'expression des Chinois, réclament la vie des voyageurs. Cette manière, d'ailleurs, sera assez conforme au style des habitants de ces contrées montagneuses, qui nomment plaine, tout ce qui ne va pas se perdre dans les nuages, et chemin uni, tout ce qui n'est pas précipice ou labyrinthe.

Les hautes régions que nous suivîmes, après avoir franchi le Chor-Kou-La, sont considérées dans le pays comme une route plane. D'ici à Alan-To, nous dirent les gens de l'escorte thibétaine, il n'y a pas de montagne ; le chemin est partout comme cela ... ; et ils nous montraient la paume de leur main ... Cependant, ajoutaient-ils, il est nécessaire d'user de beaucoup de précautions ; car les sentiers sont quelquefois étroits et glissants. Or, voici ce qu'était cette route plane et unie comme la paume de la main. Aussitôt que l'on a quitté les sommités du Chor-Kou-La, on rencontre une longue série de gouffres épouvantables, bordés des deux côtés par des montagnes taillées perpendiculairement, et s'élevant comme deux grandes murailles de roche-vive. Les voyageurs sont obligés de longer ces profonds abîmes, en suivant à une grande hauteur un rebord si étroit, que souvent les chevaux trouvent tout juste la place nécessaire pour poser leurs pieds. Dès que nous vîmes les bœufs de la caravane s'acheminer sur