Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/45

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Gange oriental) ; la ville que vous habitez se nomme Galgata (Calcutta). — Comme on voit, le Bouddha-vivant ne s'écartait pas trop de la vérité, et s'il n'y tombait pas juste, ce n'était pas sa faute ; il ne pouvait nous classer que parmi les peuples qui lui étaient connus. En nous supposant d'abord Russes et puis Anglais, il faisait preuve d'un assez bon coup d'oeil. Nous eûmes beau lui dire que nous n'étions ni Oros, ni Péling de Galgata, nous ne pûmes le convaincre. — Au reste, nous dit-il, qu'est-ce que cela fait qu'on soit d'un pays ou d'un autre, puisque tous les hommes sont frères ? Seulement, tant que vous êtes en Chine, il faut être prudent, et ne pas dire à tout le monde qui vous êtes ; les Chinois sont soupçonneux et méchants, ils pourraient vous nuire. Il nous parla ensuite beaucoup du Thibet, et de la route affreuse qu'il fallait parcourir pour y arriver. A nous voir, il doutait que nous eussions assez de force pour exécuter un pareil voyage. Les paroles et les manières de ce Grand-Lama étaient toujours pleines d'affabilité ; mais nous ne pouvions nous faire à l'étrangeté de son regard ; il nous semblait voir dans ses yeux quelque chose de diabolique et d'infernal. Sans cette particularité, qui tenait peut-être à certaines préoccupations de notre part, nous l'eussions trouvé très-aimable.

De Tchoang-Long ou Ping-Fang, nous allâmes à Ho-Kiao-Y, nommé sur les cartes de géographie Taï-Toung Fou. Aujourd'hui cette ancienne dénomination n'est presque plus en usage. La route était partout encombrée de convois de charbon de terre, qu'on transportait sur des bœufs, des ânes et de petites charrettes. Nous résolûmes de nous arrêter pendant quelques jours à Ho-Kiao-Y, afin de donner