Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/451

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vu que le temps était sérieusement tourné à la neige, ouvrirent les portes de la petite pagode, et allumèrent une foule de petites chandelles rouges devant une idole menaçante, brandissant un glaive de sa main droite, et tenant de l'autre un arc et un faisceau de flèches. Ils frappèrent ensuite, à coups redoublés, sur un petit tam-tam, et exécutèrent des roulements sur un tambourin. Ly-Kouo-Ngan se revêtit de son costume officiel, et alla se prosterner devant l’idole. Quand il fut de retour, nous lui demandâmes en l'honneur de qui on avait élevé cette pagode. — Mais c'est la pagode du Kang-Kiun (1)[1] Mao-Ling. — Et qu'a donc fait ce Kiang-Kiun, pour être ainsi honoré ? — Oh! je vois que vous ne connaissez pas cet événement des temps passés ;... je vais vous le raconter. Au temps du règne de Kang-Hi, l'empire était en guerre avec le Thibet. Mao-Ling fut envoyé contre les rebelles en qualité de généralissime. Au moment où il allait passer la montagne Wa-Ho, avec un corps de quatre mille hommes, des gens du pays, qui lui servaient de guide, l'avertirent qu'en traversant la montagne, tout le monde devait garder le silence sous peine d'être enseveli sous la neige. Le Kiang Kiun promulgua aussitôt un édit pour prévenir ses soldats, et l'armée se mit en marche sans bruit et dans le plus profond silence. Comme la montagne était trop étendue pour que des soldats, chargés de bagages, puissent la traverser en un seul jour, on campa sur le plateau. Conformément à la règle

  1. (1) Les Kiang-Kiun sont les plus hauts dignitaires de la hiérarchie militaire en Chine ; ils sont décorés du globule rouge. Chaque province a un Kiang-Kiun, qui en est le chef militaire, et un Tsoung-Tou, ou vice-roi, qui en est le premier Mandarin lettré.