Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/488

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Souvent les guides, montés sur des bœufs à long poil, disparaissaient entièrement dans des gouffres dont ils ne pouvaient se débarrasser qu'avec de grandes difficultés. Plus d'une fois nous fûmes sur le point de rebrousser chemin, et de renoncer à l'espérance de parvenir au sommet.

La petite caravane sinico-thibétaine, qui s'était jointe à nous à Tsiamdo, et qui depuis lors ne nous avait jamais abandonnés, présentait un spectacle digne de la plus grande compassion. On oubliait, en quelque sorte, ses propres souffrances, en voyant ces pauvres petites créatures presque à chaque pas enveloppées de neige, et ayant à peine la force de crier et de se lamenter. Nous admirâmes l'intrépidité et l'énergie de cette mère thibétaine, qui savait, pour ainsi dire, se multiplier pour voler au secours de ses nombreux enfants, et qui puisait dans la tendresse maternelle des forces surhumaines.

La montagne d'Angti est si haute et si escarpée, qu'il nous fallut la journée tout entière pour la gravir et la descendre. Le soleil était déjà couché quand nous achevâmes de rouler au bas. Nous nous arrêtâmes quelques minutes, sous des tentes noires habitées par des bergers nomades ; nous avalâmes quelques poignées de tsamba délayé dans du thé salé, et nous nous remîmes en route en suivant une vallée rocailleuse où la neige était totalement fondue. Nous longeâmes pendant deux heures, dans l'obscurité la plus profonde, les bords escarpés d'une rivière dont nous entendions les eaux sans les voir. A chaque instant nous tremblions d'y être précipités ; mais les animaux, qui avaient l'expérience du chemin, et que nous abandonnâmes à leur instinct, nous conduisirent, sans accident, jusqu'à Djaya.