Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 2.djvu/77

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nos chevaux. Depuis lors, nous primes la résolution, quoique un peu tard, de ne plus laisser entrer aucun marchand dans notre chambre.

La Maison de repos, comme nous l'avons déjà dit, était tenue par des Musulmans. Un jour leur Mufti, nouvellement arrivé de «Lan-Tcheou, capitale du Kan-Sou, vint présider dans la maison à une cérémonie religieuse, dont on ne voulut pas nous expliquer le but. Sandara-le-Barbu prétendait que le grand Lama des Hoeï-Hoeï venait leur enseigner la manière de frauder dans le commerce. Pendant deux jours, les principaux Musulmans de la ville se réunissaient dans une vaste salle voisine de notre chambre. Ils demeuraient pendant longtemps en silence, accroupis, et la tête penchée sur les genoux. Quand le Mufti paraissait, tout le monde poussait des gémissements et des sanglots. Après qu'on avait bien pleuré, le Mufti récitait, avec une effrayante volubilité de langue, quelques prières arabes ; puis on pleurait encore un coup, et on se retirait. Cette larmoyante cérémonie se renouvelait trois fois par jour. Le matin du troisième, tous les Musulmans se rangèrent dans la cour autour du Mufti, qui était assis sur un escabeau recouvert d'un beau tapis rouge. Le chef de la maison conduisit un magnifique mouton orné de fleurs et de bandelettes. On le coucha sur les flancs. Pendant que le chef de la maison le tenait par la télé, et deux autres Musulmans par les pattes, on offrit au Mufti un couteau dans un plat d'argent. Il le prit avec gravité, et s'approchant de la victime, il le lui enfonça dans le cou jusqu'à la poignée. Aussitôt des cris et des gémissements se firent entendre de toutes parts. On écorcha promptement le