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92 ÉCOLE FRANÇAISE. — VIOTTI.

Caractère de l’exécution de Viotii.

niers trios et les duos qu’il avait composés à Hambourg[1]. Le caractère large de son exécution nous frappa : nous admirâmes dans son jeu, un naturel exquis, et, si l’on peut s’exprimer ainsi, une absence totale d’ambition ; tout semblait couler de source, selon la disposition du moment. Mais son inspiration ne lui était point infidèle : il s’élevait insensiblement jusques aux régions supérieures de l’art, et il paraissait y planer avec d’autant moins d’efforts, qu’il était parvenu à une plus grande hauteur. Sa qualité de son était devenue si moelleuse, si douce, et elle était en même temps si pleine et si énergique, qu’on eût dit un archet de coton dirigé par le bras d’Hercule ; image vive et juste, qui, pour le petit nombre d’auditeurs admis à ces réunions intimes, exprimait parfaitement l’effet dont ils étaient témoins.

Duos de Viotti.

Viotti avait fait les duos dont nous venons de parler, loin de ses amis, et comme il le dit lui-même d’une manière si touchante dans la dédicace, quelques-uns avaient été dictés par la peine, d’autres par l’espérance. Au sentiment qui respire dans ces compositions, à l’accent affectueux dont elles sont animées, on ne peut s’y mé- prendre ; c’est la conversation la plus aimable de deux personnes d’un esprit élevé, unies par l’amitié la plus tendre. Il en faut dire autant des duos qu’il a dédiés à M. Cary ; on y voit partout l’homme bon et sensible. Chose rare et bien digne de remarque, plus il avança dans son art, plus il conserva de naturel. La naïveté qui règne dans un grand nombre de ses morceaux, est un mérite qu’on ne saurait trop louer : elle prouve à la fois l’abandon de son âme et la pureté de son goût. Jamais un vain désir de briller n’altéra ces heureux dons de la nature ; il devint chaque jour plus expressif, n’écrivit que d’après son cœur,

  1. Dédiés à M, et Mme Chinnery