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gracieux, fleuris, pleins d’images forestières et pastorales, des idylles. À la tribune, cet Ajax se changeait en Némorin.

Il parlait bas comme un diplomate, il souriait comme un courtisan. Il ne haïssait pas d’être agréable aux princes. Voilà ce que la pairie avait fait de lui. Somme toute, ce n’était qu’un héros.




II


22 août 1846.

Le marquis de Boissy a l’aplomb, le sang-froid, la possession de lui-même, l’organe particulier, la facilité de parole, quelquefois de l’esprit, la qualité imperturbable, tout l’accessoire d’un grand orateur. Il ne lui manque que le talent. Il fatigue la Chambre, ce qui fait que les ministres se dispensent de lui répondre. Il parle tant que tout le monde se tait. Il ferraille avec le chancelier comme avec son ennemi particulier.

Hier, en sortant de la séance que Boissy avait pauvrement et petitement occupée tout entière, M. Guizot me disait : — C’est un fléau. La Chambre des députés ne le souffrirait pas dix minutes après les deux premières fois. La Chambre des pairs lui applique sa haute politesse, et elle a tort. Boissy ne se taira que le jour où toute la Chambre se lèvera et s’en ira en l’entendant demander la parole. — Y songez-vous ? lui ai-je dit. Il ne resterait plus que lui et le chancelier. Ce serait un duel sans témoins.




III


1847.

La Chambre des pairs est dans l’usage de ne jamais répéter dans ses réponses aux discours de la couronne les qualifications que le roi donne à ses enfants. Il est également d’usage de ne jamais donner aux princes le titre d’altesse royale en parlant d’eux au roi. Il n’y a point d’altesse devant la majesté.

Aujourd’hui 18 janvier, on discutait l’adresse. M. de Boissy a quelquefois des saillies d’esprit vif et heureux à travers ses déraisons. Il disait aujourd’hui :

— Je ne suis pas de ceux qui savent gré au gouvernement des bienfaits de la providence.