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AUX TUILERIES. — 1847.


I

LE ROI LOUIS-PHILIPPE.


I


1847.

Louis-Philippe faisait venir ses ministres à toute heure de jour et de nuit, dans quelque négligé qu’il se trouvât. — Quand on a l’honneur de servir le roi, disait M. Dumon, on le voit dans tous les négligés possibles. — Un matin, le roi manda M. Dumon. Le ministre entra dans la chambre à coucher. Le roi était en chemise. M. Dumon fut quelque peu interdit et embarrassé du costume. Sa Majesté causa affaires naturellement, simplement, longuement, sans mettre ses culottes, c’était l’été. M. Dumon put remarquer que le roi avait la peau blanche comme une femme. Tout à coup le roi se jette sur une vieille redingote qu’il avait là, et l’endosse en disant : — À propos, j’ai fait demander Madame Adélaïde, elle va venir, il faut que je sois décent. — Madame Adélaïde vint, et causa avec le roi sans paraître scandalisée ni surprise. Toute la décence se borna à une redingote.

Quand M. Dumon me conta cette histoire, je ne pus m’empêcher de lui dire : — Voilà tout ce qui reste au roi des opinions de sa jeunesse. Il est sans-culotte dans l’intimité.

Louis-Philippe disait volontiers : — Il n’y a pas des choses faciles et des choses difficiles ; il y a des choses possibles et des choses impossibles.




II


1847.

Le roi Louis-Philippe me dit un jour :

— Je n’ai jamais été amoureux qu’une fois dans ma vie.

— Et de qui, sire ?

— De Mme de Genlis.

— Bah ! mais elle était votre précepteur.

Le roi se mit à rire, et reprit :

— Comme vous dites. Et un rude précepteur, je vous jure. Elle nous