Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome I.djvu/271

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même sens. M. Renouard a opiné assez éloquemment pour l’accusation. Mon tour venu, je me suis levé et j’ai dit : — À mon avis, retirer M. Teste de l’affaire, ce serait la juger d’avance ; ce serait en retirer le fait de corruption ; ce serait condamner M. le général Cubières à se débattre uniquement désormais sous cette affreuse accusation d’escroquerie que je souhaite passionnément voir écarter. Je maintiens M. Teste dans l’accusation. — Ceci a été particulièrement au cœur des vieux généraux qui ont applaudi. On a fait deux tours de scrutin. Au premier, 188 votants ; il y a eu 148 oui, 40 non ; au deuxième, 181 votants, il y a eu 142 oui, 39 non. M. Teste a été mis en accusation. La séance, ouverte à midi et demi, a été levée à six heures.


26 juin. — Suite de la délibération. — Il y avait 187 pairs. La mise en accusation :

1° Pour le fait de corruption, a été votée : contre Cubières, au premier tour, par 163 oui contre 24 non ; au deuxième, par 160 oui contre 26 non ; — contre Parmentier, au premier tour, par 162 oui contre 25 non ; le second tour, n’ayant pas été réclamé, n’a pas eu lieu ; — contre Pellapra, aux deux tours, par 162 oui contre 25 non ;

2° Pour le fait d’escroquerie : contre Cubières, au premier et au second tour par 134 oui contre 53 non ; — contre Pellapra, au premier tour, par 137 oui contre 50 non, au deuxième tour qui a eu lieu sur la demande formelle du duc de Coigny, par 136 oui contre 50 non. Au premier tour, sur la question d’escroquerie, j’ai dit : — L’affaire est en ce moment obscure pour tout le monde, pour le public et pour nous, juges ; elle ne se compose encore à l’heure qu’il est que de vraisemblances et d’invraisemblances. Eh bien ! toutes les vraisemblances sont du côté de la corruption, toutes les invraisemblances du côté de l’escroquerie. Ceci me frappe. Aucune pièce dans ces deux volumes de 800 pages ne tend à établir réellement l’escroquerie. En cet état, je ne puis me résigner à porter une accusation, qui est déjà une dégradation, contre un pair de France, contre un lieutenant général, contre un ancien soldat, et je dis non. — Au deuxième tour, j’ai dit : — Messieurs, je persiste. Tout à l’heure, quand je mettais en regard la qualité de la personne et la bassesse du délit, ce n’était pas un argument ; c’était une manière de faire comprendre à la cour ma profonde répugnance à prononcer légèrement contre une telle personne une telle accusation. Messieurs, dans cette affaire, nous n’avons que le choix des choses tristes, la pensée va avec douleur de M. le président Teste à M. le général Cubières. Eh bien, dans cette alternative poignante, j’aime encore mieux voir à notre barre un ancien ministre corrompu qu’un ancien ministre escroc. Pour faire de tels choix, il