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Un jour, c’était, je crois, vers le milieu de décembre 1848, M. Bastide, ce grand pâle à favoris noirs, qui avait la physionomie de Basile tempérée par la majesté d’un sergent de ville et dont le National avait fait un ministre des affaires étrangères, M. Bastide demanda la parole. Quand il était ministre il ne parlait jamais. La tribune le glaçait de terreur. Or il n’était plus ministre en ce moment-là. Stupéfaction générale de voir Bastide demander la parole sans y être forcé. La tribune des journalistes fit un Oh ! qui cette fois éclata au milieu du silence et fit retourner toute l’Assemblée. Scandale et colère des représentants. Le président Marrast prit son air le plus imposant et déclara que si une pareille insolence se renouvelait, il ferait immédiatement évacuer la tribune des journalistes. Les choses reprirent leur train. Le Bastide se mit à parler et les représentants à causer.

Les journalistes ne songeaient plus à rien, quand tout à coup la porte de leur tribune s’ouvre. Un huissier en cravate blanche apparaît et leur dit : — Messieurs les rédacteurs en chef. Monsieur le président m’envoie vous dire que s’il vous arrive encore de troubler l’ordre, il vous fera immédiatement sortir.

Les journalistes se retournent. Un d’eux prend la parole et répond : — Va dire à ton maître que nous faisons moins de bruit à nous tous dans cette tribune qu’il n’en faisait autrefois à lui tout seul !




IX

BABAUD-LARIBIÈRE. — GOUDCHAUX. — PIERRE LEROUX. — LUCIEN MURAT.


M. Babaud-Laribière est une grande barbe, une grosse voix et un petit homme.

Il y a dans l’Assemblée les géants et les nains. Les géants : Caussidière, Ledru-Rollin, Antony Thouret, Lucien Murat, Larochejaquelein. — Les nains : Louis Blanc, Thiers, Marrast, Crémieux. Babaud-Laribière est un des nains à la suite.




M. Goudchaux : rose, énorme, joufflu, le dos d’un homme de soixante ans, l’air naïf et juif, le regard pudique, un banquier.