Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome I.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. le premier président Franck-Carre, qui était présent à l’appel, n’a pas répondu quand son tour est venu. Le chancelier a dit : Absent pour indisposition subite.

M. Cousin, qui m’avait fait beaucoup de signes d’adhésion pendant que je parlais, a commencé en excellents termes. Tout ce qu’il a dit d’abord était juste et vrai. Mais peu à peu il s’est embrouillé. Il s’est engagé dans une discussion métaphysique parfaitement obscure pour tous, même pour lui. Il a répété jusqu’à dix fois des phrases comme celle-ci : Que vois-je dans la cause ? Des pistolets chargés? Oui, chargés, c’est évident. Maintenant distinguons. Chargés comment ? Chargés d’une certaine façon. De quelle façon ? De façon à produire, quoi ? L’effet produit. L’assemblée a éclaté de rire et s’est mise à causer à haute voix. Personne n’écoutait plus ; M. Cousin parlait toujours. Un pair lui a crié : Abrégez. — J’abrégerai, Monsieur, a dit M. Cousin avec hauteur. Il a descendu un degré du gradin et a continué plus d’un quart d’heure. Devant moi le général d’Hautpoul dormait bruyamment. Le chancelier s’était accoudé sur sa table, la tête dans ses mains. M. Cousin a conclu à l’attentat contre la personne du roi.

M. Villemain s’est borné à dire : Je déclare l’accusé coupable d’attentat à la personne du roi.

Il était déjà visible que les pairs qui votaient ainsi ne voulaient pas la mort. La majorité en ce sens se prononçait de plus en plus.

MM. Laplagne-Barris et Girod de l’Ain, membres de la commission d’instruction et l’un d’eux rapporteur, ont dit qu’éclairés par la délibération, ils se ralliaient à cette opinion. Ils ont voté la culpabilité d’attentat contre la personne royale. M. Laplagne-Barris a répondu aux reproches de M. de Boissy en prouvant que son rapport n’avait fait que reproduire les dires des experts.

Le tour des plus anciens pairs arrivait. Presque tous ont voté successivement dans le sens le plus sévère, déclarant l’accusé coupable d’attentat à la vie de Sa Majesté. Le comte Portalis, premier président de la cour de cassation, a longuement opiné. Il s’est efforcé de démontrer le régicide. Il a fait appel à la pairie gardienne de la royauté et protectrice de la tête royale. Il a dit que les châtiments les plus graves pouvaient seuls épouvanter le régicide qui recommençait.

Le comte de Sainte-Aulaire, ambassadeur à Londres, a fait une vive allocution aux pairs. Il a dit que sa pitié était du côté de la plainte et de l’accusation, et il a rappelé les paroles de Tacite : Misericordia accusantibus. Il a conclu comme le comte Portalis.

Le comte d’Argout a opiné dans le sens le plus doux ; le duc Decazes, son voisin et son ami, dans le sens le plus rigoureux. Le comte d’Argout s’est dit décidé par cette considération que, sur quatorze magistrats, premiers présidents ou conseillers à la cour de cassation siégeant dans l’assemblée, douze avaient estimé qu’il n’y avait pas attentat à la vie de Sa Majesté.

Le vicomte Dubouchage a déclaré qu’il lui était impossible de voir dans l’affaire quelque chose de plus que l’offense à la personne royale. Le comte de Pontécoulant, vieillard de quatre-vingt-six ans, a commencé par réclamer, comme M. de Boissy, contre le départ du général Jacqueminot. Sur sa demande, la cour a décidé que le général serait admis à opiner comme juge. M. de Pontécoulant a d’ailleurs établi que le départ du pair ne pouvait jamais résulter que de son consentement ou de sa volonté. M. de Pontécoulant a déclaré Henri coupable d’attentat à la personne royale.

Les derniers pairs ont voté d’un mot, presque tous admettant le régicide. Tous les pairs aides de camp du roi, tous les généraux, tous les ambassadeurs avaient successivement opiné dans ce sens.

Ont voté l’attentat contre ta vie MM. les généraux Trézel, Jacqueminot, Doguereau, Marbot, Petit, d’Audenarde, Avmard, Dutaillis, Dode de la Brunerie, M. Raguet-Lépine, M. Anisson-Duperron, M. Bertin de Veaux, le baron de Bussières, le marquis d’Harcourt, le comte de Murat, le chevalier Jaubert, le baron de Saint-Didier, Odier, le comte de Monthyon, le comte de Rambuteau, le comte de Saint-Aignan, le baron Feutrier, le comte de Ham, le baron de Fréville, le comte de Sainte-Aulaire, le duc de Périgord, le marquis de Lauriston, le duc de Noailles, le comte Boissy d’Anglas, le duc de Plaisance, le comte d’Haubersart, le comte de