Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/267

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Page 170. — Un sac d’oignons coûte 800 francs.


Collé sur une page blanche du Carnet, un fragment de journal nous donne ces renseignements :


« Voici, d’après la Liberté, un tableau curieux du cours des principales denrées alimentaires, relevé dans la seconde quinzaine de décembre 1870, pendant le siège de Paris, comparé avec le prix moyen de ces mêmes denrées en 1869 :


PRIX MOYEN.
En 1869. En 1870.
Pommes de terre 1 f 00 c 20 f 00 c
Céleri (le pied) 0 25 1 00
Betterave (le kilogr.) 0 20 1 20
Huile d’olive (le kilogr.) 4 00 10 00
Lait (le litre) 0 30 2 00
Beurre frais (le kilogr.) 6 00 70 00
Œufs frais (la pièce) 0 15 2 00
Graisse de bœuf (le kilogr.) 1 30 4 00
Tête de bœuf (le kilogr.) " 2 50
Lapins 3 00 30 00
Pigeons 1 50 20 00
Poulets 6 00 55 00
Oies 7 00 80 00
Dindons 10 00 90 00


Page 192. — Reçu une lettre de Louis Blanc. Dans les termes les plus amicaux, lui et Schœlcher se séparent de moi à l’occasion de ma protestation.


« Le 6 juin 1871.
« Mon cher Victor Hugo,

« Vous m’avez demandé des nouvelles de Paul Meurice et de Vacquerie. Paul Meurice est ici, hélas ! dans une prison. Quant à Vacquerie, il m’a été impossible de savoir où il était.

« Inutile de vous dire avec quelle ardeur nous voudrions pouvoir, Schœlcher et moi, être de quelque utilité à Paul Meurice. Nous nous sommes adressés au grand prévôt, qui nous a reçus avec beaucoup de courtoisie, mais sans que cette visite ait produit d’autre résultat qu’un permis envoyé à Schœlcher pour Mme  Meurice. Car nous n’avons pu, quant à nous, obtenir qu’on nous laissât parvenir jusqu’au prisonnier.

« Comme j’ai cessé de recevoir régulièrement le Rappel à dater du jour où les communications ont été coupées entre Paris et Versailles, j’ignore quels sont les articles qui ont donné lieu à l’accusation lancée contre les rédacteurs, mais, par quelques numéros que j’ai eus sous les yeux, j’ai pu juger que, souvent, la Commune avait eu dans les écrivains du Rappel des censeurs très sévères. J’ai donc bon espoir, quel que soit l’emportement des colères qui grondent autour de tous les détenus indistinctement.

« De cet emportement, du reste, une preuve cruelle vous a été fournie, mon cher Victor Hugo, même en pays étranger, par l’indigne traitement que vous a valu votre lettre sur l’extradition. Schœlcher, tout en vous serrant tendrement la main, veut que je vous dise qu’il a regretté la publication de cette lettre, qu’il trouve inopportune et dépassant la mesure. Vous l’avouerai-je ? Mon sentiment à cet égard est conforme au sien. Mais qu’on ait vu dans une pareille déclaration une justification d’attentats que vous aviez condamnés avec la toute-puissance de votre génie, avant même ce qui en a été le couronnement affreux, voilà ce qui ne saurait se comprendre, si la violence des sentiments excités par des circonstances aussi horribles n’expliquait beaucoup de choses qui, sans cela, seraient inexplicables !

« Votre ami dévoué,

« Louis Blanc.

« P.-S. Schœlcher m’annonce à l’instant qu’on a demandé la translation de Paul Meurice dans une maison de santé et qu’on est sur le point de l’obtenir. »