Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/24

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20 mars 1820.

Obsédé et importuné de toutes parts, je t’écris à la hâte quelques mots, ma charmante Adèle, et j’espère que les marques de confiance entière que je t’ai données ce matin t’auront assez calmée pour que cette lettre soit inutile. Si tu pouvais concevoir à quel point je t’aime, tu concevrais aussi à quel point je t’estime, tout se réduit à savoir si tu doutes de mon éternel et inviolable attachement ; dans ce cas, comment veux-tu que je te le prouve ? Parle et je t’obéirai.

Je crois, mon Adèle, que tu es entièrement rassurée sur mon compte ; je te donnerai toutes les marques de confiance qu’il sera en mon pouvoir de te donner, et je te jure que tu seras informée comme moi de tout ce qui me concerne, pour peu que cela t’intéresse. Je ne veux te faire aucun reproche de ceux que renferme ta lettre, je te remercie au contraire de m’avoir fait part de tes inquiétudes et si jamais tu concevais des soupçons défavorables à mon égard, je crois qu’il serait de ton devoir de ne pas me les cacher. Comment pourrais-je me justifier autrement ?

Je voudrais, mon amie, t’exhorter à la patience, mais ce mot-là sonne mal dans ma bouche ; je ne puis t’offrir aucune consolation dans tes peines qui sont aussi les miennes, aucune compensation à tes chagrins dont je ne souffre pas moins que toi. Quant à moi, mon Adèle, et je ne parle ici que pour moi seul, dans quelque position que je me trouve, je ne serai jamais tout à fait malheureux tant que je pourrai croire que tu m’aimes encore.

Adieu, crois à mon estime et à mon respect, je ne puis te dire autre chose, sinon que je voudrais que tu penses autant de bien de moi que j’en pense de toi. Tu vois que je répète continuellement la même chose, parce que je pense toujours de même.

Pardonne à tout ce fatras que je cherche à prolonger le plus que je peux ; il m’en coûte tant de te dire adieu !

Adieu donc, mon Adèle, tout à toi.

Ton mari,
Victor.

Écris-moi le plus souvent que tu pourras et brûle mes lettres. Je crois que la prudence l’exige. Adieu, adieu... Surtout ne brûle jamais les tiennes !...