Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/301

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1817.


À Madame Martin.
21 mai 1817.
Madame,

Vous nous permettrez de vous rappeler que nous sommes sans argent depuis le 1er. Comme nos besoins sont toujours les mêmes, nous avons été contraints d’emprunter. Nous vous prions en conséquence de nous faire passer les 6 francs qui nous reviennent, savoir : 3 francs pour le 1er mai et 3 francs pour le 15, de nous envoyer un perruquier et de parler à Mme Dejarrier pour nos chaussures et les chapeaux.

Daignez, madame, agréer l’assurance des sentiments d’estime et d’affection que vous méritez de notre part.

Vos très humbles et très obéissants serviteurs,
V. Victor, E. Hugo[1].
  1. Cette lettre prouve que la proposition du général relative aux vingt-cinq louis par an versées directement à Victor et Eugène avait été abandonnée, puisque leur tante restait chargée de leur entretien. Une autre influence que celle de Mme Martin semble, d’après une lettre d’Abel à son père, indisposer le général contre ses fils ; au sujet d’une lettre adressée par le général à M. Decotte, lettre montrée à Abel, l’aîné défend ainsi ses frères :
    26 août 1817.

    « ... Tu marques un mécontentement furieux de la conduite de deux jeunes gens qui viennent de donner aux concours des preuves signalées de leur bonne conduite et de leur talent. Un premier accessit au grand concours en philosophie, d’autres premiers en philosophie au lycée, d’autres en mathématiques, et la mention honorable au grand concours de poésie à l’Académie française accordée à l’un de tes fils âgé de quinze ans, toutes ces preuves glorieuses te paraissent-elles autant de signes de non-application et d’inconduite ? Où tout autre se glorifierait de tels enfants, tu ne vois que des misérables, des polissons prêts à déshonorer un nom que tu as rendu recommandable par ta carrière militaire... Non, mon père, je te connais, tu as écrit cette fatale lettre, mais ton cœur ne l’a pas dictée. Tu aimes encore tes enfants ; un mauvais génie, un démon de l’enfer, auquel tu devrais attribuer tes malheurs plutôt qu’à notre respectable mère, fascine tes yeux et ne te montre que des signes de haine où tu trouverais des preuves d’amour si tu osais t’approcher de cœurs qui te chérissent… Un jour viendra où tu verras dans tout son jour l’infernale créature dont je veux te parler, l’heure de notre vengeance sera arrivée, nous retrouverons notre père… » — Collection de M. Louis Barthou.