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À Monsieur le baron d’Eckstein.


Blois, 29 avril [1825].

Je reçois à l’instant même, monsieur le baron, une lettre de M. Alphonse Rabbe, et son Résumé de l’histoire de Russie. Cet ouvrage important, sur lequel je viens de jeter un rapide coup d’œil, me paraît, si j’en juge d’après ce que j’en connais, digne de toute votre attention comme l’auteur est digne de toute votre estime. M. Rabbe, dont la conviction politique diffère de la nôtre, est un homme d’un beau talent et d’un beau caractère. Ce sont deux nobles rapports avec vous. Les hommes d’un haut mérite, comme vous et lui, doivent se comprendre et s’estimer, à quelque drapeau qu’ils appartiennent. Sans cesser de prendre part à la lutte de leurs armées, les généraux ne se battent pas corps à corps : ils se saluent de leurs rangs opposés. Vous et M. Rabbe vous êtes généraux.

M. Rabbe, dont j’aime la personne et le talent, et qui n’a pas besoin de cette recommandation auprès de vous, vous rend déjà toute justice. Vous êtes du petit nombre des hommes honorables qui doivent être séparés de la tourbe des partis. M. Rabbe vous en sépare.

Vous lui rendrez, je n’en doute pas, la même justice. Vous aurez sans doute reçu son Résumé et sa lettre quand celle-ci vous parviendra, et je serai heureux d’apprendre que votre jugement favorable aura devancé ce que je ne dois pas (je le répète) appeler ma recommandation.

Aussi est-ce moins dans ce but que je vous écris que dans l’intention de me rappeler à votre amical souvenir. Les journaux vous auront appris la faveur dont Sa Majesté m’honore[1]. Je vous remercie d’avance du plaisir que vous aurez éprouvé de cette nouvelle. Vous voyez que je me crois sûr de votre amitié comme vous l’êtes de la mienne. Personne n’a pour vous une plus haute estime que votre bien dévoué

Victor Hugo.

Mon adresse est chez M. le général comte Hugo, à Blois.

Je serais enchanté que votre loisir vous permît de consacrer à l’ouvrage de M. Rabbe un de ces excellents articles où vous savez si bien allier la critique impartiale à l’accent de l’estime. Vous savez que je pense comme

  1. La croix et l’invitation au sacre.