Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/543

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et à laquelle votre nom est mêlé d’une manière qui me fait croire que ce mauvais drôle a tout travesti vis-à-vis de vous. Je m’inquiète fort peu des manœuvres de cet homme, mais non quand elles vous ont pour objet.

Écrivez-moi où et quand je pourrai vous voir dix minutes.

V.[1]


À Sainte-Beuve.


4 avril 1834.

Ma lettre n’était pas plutôt partie que je me suis fait toutes ces réflexions que vous me faites[2]. Vous avez raison, ce ne sont pas les paroles d’un Buloz qui peuvent faire impression sur quelque esprit que ce soit, à plus forte raison sur le vôtre. Je vous ai écrit dans le premier mouvement d’indignation de voir avec quelle insolence cet homme osait abuser de votre nom. Malheureusement, et je vous le dis pour vous comme pour moi, ce misérable marchand qui salit les degrés de votre temple[3] n’est digne que de coups de canne. N’en parlons donc plus. Je le châtierai, certes, et rudement, s’il continue de faire avec moi le mendiant de Gil Blas. Mais n’en parlons plus. Croyez que je suis bien attristé qu’un pareil nom soit venu troubler ma dernière lettre et altérer la gravité de nos adieux. Croyez aussi que tous les souhaits que vous faites pour moi, je les fais pour vous, sûr, comme vous, d’être exaucé.

V.[4]


À Monsieur Ludovic Vitet,
secrétaire général du ministère du Commerce, à l’hôtel du ministère.


Paris, ce 28 mai 1834.
Mon cher Vitet,

Il y a ce moment à Douai, dans la prison de St-Waast, un pauvre prisonnier politique, nommé Antony Thouret[5], détenu depuis un an déjà.

  1. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  2. Cette phrase fait supposer qu’une nouvelle lettre de Sainte-Beuve (au lieu du rendez-vous demandé le 2 avril) était parvenue à Victor Hugo.
  3. Dans sa réponse, qui consomme la rupture définitive, Sainte-Beuve répète les mots employés par Victor Hugo : « Je n’ai pas de temple et ne méprise personne. Vous avez un temple ; évitez-y tout scandale ». Cette lettre est datée : « Ce dimanche ». Donc elle est du 6 avril. — Gustave Simon. Lettres de Sainte-Beuve à Victor Hugo et à Mme Victor Hugo. Revue de Paris, 15 janvier 1905.
  4. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  5. Antony Thouret, avocat, républicain ardent, se jeta dans l’opposition sous Louis-Philippe et devint rédacteur-gérant du journal la Révolution de 1830 ; ses articles lui valurent plusieurs condamnations ; de Sainte-Pélagie il écrivit en 1831 à Victor Hugo ; il fut enfermé de nouveau à Douai. Pendant ses nombreuses captivités il composa plusieurs romans. Élu représentant du peuple en 1848, il fut exilé au coup d’état.