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À Madame Victor Hugo.


Heidelberg, 9 octobre 1840.

Voici encore, chère amie, un gros morceau de mon Journal. J’ai peur d’être forcé de l’interrompre ; voyageant le jour, ou visitant les édifices, ou étudiant dans les bibliothèques, je ne puis écrire que la nuit, j’y passe quelquefois des nuits entières et mes yeux en souffrent. Cependant, comme il me semble que ce journal intéresse ton père et vous amuse tous un peu, je ferai tous mes efforts pour le continuer. C’est d’ailleurs un travail utile, en ce sens qu’une foule de choses locales sont consignées là pour la première fois qui menacent de se perdre et de s’effacer bientôt. Enfin, je tâcherai de faire encore obéir mes yeux, mais pourtant je n’ose pas trop en répondre. Ton bon père trouvera dans cette lettre des détails inédits sur le couronnement des empereurs à Francfort qui lui paraîtront, je crois, curieux.

J’ai calculé que vous aviez dû recevoir mes dernières lettres dimanche dernier. Ce jour-là j’ai bien songé à vous tous, chers bien-aimés. Ceux d’entre vous auxquels leur image n’aura pas plu n’auront qu’à me le dire, je leur en ferai une autre à Paris.

J’espère, chère amie, que tout va toujours bien. Les rumeurs de guerre qui viennent jusqu’ici ne vont pas, je pense, jusqu’à St-Prix.

Tu auras perdu en ce moment mon Charlot et mon Toto. Ces pauvres enfants sont sans doute rentrés chez M. Jauffret. Il faut bien leur dire de ma part, entends-tu, chère amie, que je compte sur leur persistance à bien travailler. Je me mettrai, aussi moi, à travailler à mon retour. Il importe que mon hiver soit productif et fructueux, et j’espère que nous y parviendrons tous les deux, toi par l’économie, moi par le travail.

Dans une vingtaine de jours je vous reverrai tous. Ce sera un beau jour pour moi et pour toi aussi, n’est-ce pas, mon Adèle ?

Si tu as été à Paris à l’occasion du retour des enfants, je compte, chère amie, que tu auras eu bien soin des lettres et des journaux. Si tu as ouvert les lettres et que tu en aies trouvé dans le nombre qui exigeassent une réponse pressée, je te prie d’écrire aux divers signataires que je suis absent en ce moment.

Mon Adèle chérie, ma Didine bien-aimée, songez que je compte trouver plusieurs lettres de vous à Trèves et qu’il me les faut. Et toi aussi, ma chère petite Dédé. Si mon Charlot et mon Toto peuvent m’écrire, nonobstant les classes, ils feront bien plaisir à leur papa. J’espère aussi une lettre de ton bon père dont je serre les deux mains. À bientôt, mes anges. Je vous embrasse tous mille fois[1].

  1. Archives de la famille de Victor Hugo.