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À François-Victor[1].


Tolosa, 9 août [1843].

Vois-tu cette petite fleur, mon Toto bien-aimé ? il a fallu toute une grande montagne pour la faire. C’est l’image de la poésie en ce monde. La poésie est une chose exquise et délicate, et il faut un grand cœur pour la produire.

Depuis quelques jours j’avais cette montagne devant ma fenêtre, une côte aride, sauvage, pleine de rochers semés de bruyères courtes. Je me doutais qu’il y avait quelque chose en haut. Je me décide un matin à y monter, malgré l’escarpement, le soleil, la chaleur. J’ai trouvé en haut cette petite fleur.

Il n’y avait que cette fleur. La montagne se terminait par un plateau étroit semé de roches nues. Au plus haut d’une de ces roches, dans un creux abrité du vent, cette petite fleur croissait. Toute la grâce de la montagne était là. Je l’ai cueillie, et je te l’envoie. Je sais, mon enfant adoré, que tu la garderas.

Garde aussi à jamais dans ton cœur l’amour de Dieu, de la nature, de ta mère et de ton père. Que ces quatre sentiments n’en fassent qu’un. Être intelligent, c’est être bon. Être bon, c’est être tout.

Je t’embrasse tendrement, cher, bien cher enfant[2].


À Léopoldine.


Pierrefitte, 17 août [1843].

Si tu avais pu me voir, ma fille chérie, quand j’ai ouvert ta lettre, tu aurais été heureuse, car je sais, je sens combien tu m’aimes. J’aurais voulu que tu pusses voir ma joie. J’étais depuis si longtemps sans nouvelles de vous tous !

Tu as raison, le bon Dieu devrait transporter le Havre et la place Royale à Biarritz. Le ciel et la mer sont là dans toute leur beauté. Nous y serions, nous, dans tout notre bonheur.

Je suis maintenant dans les Pyrénées, autres merveilles. Je vais boire un peu de soufre pour mes rhumatismes de l’an dernier. Du reste je passe ma

  1. Inédite.
  2. Collection Louis Barthou.