Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/638

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À Théophile Gautier.


Vendredi, 4 octobre [1847][1].

Est-ce que vous croyez, cher Albertus, que tout le monde verra votre charmant chef-d’œuvre, excepté moi ? Je viens d’en lire des vers exquis. Attendez-vous à m’apercevoir un de ces soirs par le trou de la toile, installé à l’orchestre, et vous applaudissant comme vous m’avez applaudi, car je vous aime comme vous m’aimez, con toda mi alma.


À Théophile Gautier.


22 octobre [1847].

Ma femme est hors de danger[2], et vous venez d’avoir deux succès coup sur coup, cher Théophile ; je me sens tout content, et j’ai besoin de vous l’écrire.

J’entends dire de toutes parts que votre pièce de l’Odéon est ravissante[3]. Quant à Pierrot posthume, je crois que j’en sais tous les vers par cœur. Je ne connais rien de plus charmant que votre prose si ce n’est votre poésie. Je ne sais pas si je suis votre poëte, mais à coup sûr vous êtes le mien. Je me sens vers vous de ces élans qu’il me semble que Virgile avait vers Horace.

Et puis je vous serre la main.


À Monsieur Buloz,
administrateur de la Comédie-Française.


Permettez-moi, monsieur, d’appeler sur la supplique ci-jointe votre plus bienveillant intérêt[4]. Dans l’ère de prospérité que vous inaugurez si heureusement, se souvenir du passé est à la fois un honneur et un devoir. Vous comprendrez mieux que personne ce que mérite la veuve d’un des comédiens les plus distingués de l’ancien Théâtre-Français. Je serais heureux qu’elle vous dût un peu de pain dans ses vieux jours.

Recevez, je vous prie, la nouvelle assurance de mes sentiments les plus distingués.

Victor Hugo[5].
13 Xbre [1847].
  1. Nous n’avons pas l’original de cette lettre, publiée en 1898, mais on a dû, alors, faire une erreur de lecture ; en 1847, le calendrier marque : vendredi 1er octobre ; et comme Victor Hugo se plaint de ne pas encore avoir vu Pierrot posthume, joué au théâtre du Vaudeville le 4 octobre 1847, c’est sans doute du vendredi 8 octobre qu’il faut dater cette lettre.
  2. Mme Victor Hugo avait été atteinte de fièvre typhoïde.
  3. Regardez, mais ne touchez pas ! Cette « comédie de cape et d’épée », écrite en collaboration avec Bernard Lopez, fut représentée à l’Odéon le 20 octobre 1847.
  4. La veuve de Lafon, acteur du Théâtre-Français, demandait à Buloz une représentation à son bénéfice.
  5. Dans les Archives de la Comédie-Française, on a joint, à la lettre de Victor Hugo, le brouillon du refus de l’administrateur.