Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/110

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tous. Je voudrais voir sourire le doux visage de mon Adèle-Dédé. Sais-tu, ma Dédé, qu’il y a tout à l’heure six mois, six mois ! que je ne t’ai vue ! Et toi, mon Victor, en m’attendant, rends ta mère heureuse.

Je me réfugie de toutes mes tristesses dans le travail, travail le matin, travail le jour, travail la nuit ; mais c’est encore une tristesse que ce travail-là, labeur austère de châtiment et de justice.

Quand nous serons réunis, je ferai des vers, je publierai un gros volume de poésie, je m’y dilaterai le cœur, et il me semble que nous aurons des heures charmantes. Que ne suis-je à ce temps-là !

Louer l’appartement irait tout seul et serait une bonne chose, si en louant l’appartement, on mettait à l’abri le mobilier. Mais tout loué qu’il serait, L. B. ferait saisir mes meubles pour payer les amendes auxquelles les juges me condamneront. Bon tas d’honnêtes gens !

Quels sont ces incidents et ces complications dont tu me parles, qui te tourmentent et qui pourtant n’ont rien de grave, me dis-tu. En somme, c’est assez aussi pour m’inquiéter de mon côté, écris-moi tout de suite et par la poste ce que c’est.

Dis à mon Adèle et à mon Victor que je vais leur écrire bientôt. Victor dans sa dernière lettre m’a parlé d’une conversation avec son oncle V. F.[1] me prédisant un procès, il m’a dit que tu m’écrirais les détails. Je les attends. Je m’aperçois que je n’ai plus de place que pour un million de baisers pour vous tous. Écris-moi vite.

Mme Guyon m’a apporté une très noble lettre de Janin. Remercie-le si tu le rencontres. Dis aussi à notre cher Théophile combien je suis touché de lire mon nom dans ses beaux articles[2].


À Adèle.


Bruxelles 26 mai [1852].

Mon Adèle, chère fille, je ne puis t’écrire que quatre lignes cette fois. Ta mère te dira comme l’heure nous pressait[3], mais je veux que tu aies un mot. Je voudrais, chère enfant, t’envoyer tout mon cœur. Si tu savais comme nous t’avons regrettée ici ! Bientôt tu nous arriveras, bientôt nous serons tous réunis, mon bonheur est avec vous tous. Chère fille, tu verras comme nous serons heureux quand nous serons ensemble. Jersey est un lieu

  1. Victor Foucher.
  2. Bibliothèque Nationale.
  3. Mme Victor Hugo avait passé quelques jours à Bruxelles, à partir du 24 mai.