Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/117

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Un malheur immortalisé par vous n’est pas un malheur. Cette page que vous venez d’écrire surnage sur mon naufrage. Qu’importe ce qui est englouti ?

Cher Janin, on me dit que vous allez venir ici ; est-ce vrai ? Ce serait une grande joie pour ceux qui vous aiment dans cet exil, et pour moi entre tous. Je n’ai plus de maison à vous ouvrir, mais j’ai mes deux bras.

Savez-vous que ces désastres sont bons, et que la providence, dans ces catastrophes, caresse autant qu’elle frappe. Je ne vous connaissais pas bien encore ; je savais de vous le grand esprit, je ne savais pas le grand cœur. Maintenant, je vous vois comme vous êtes, je vous aime deux fois et cela vaut bien un peu d’exil.

À bientôt, si vous venez, à toujours, si vous ne venez pas, et du fond du cœur, ex imo.

Victor Hugo[1].


À Madame Victor Hugo[2].


Bruxelles, 13 juin [1852] Dimanche.

Chère amie, si tu n’es pas malade, tout est bien, mais je commence à craindre qu’une lettre de toi ne me soit pas parvenue. Depuis huit jours nous sommes sans nouvelles. Il est vrai que tu dois être bien fatiguée, que tu as dû passer les jours sans repos et les nuits sans sommeil, que les embarras de toute sorte ont dû t’assaillir à la fois, et je me rends bien compte que le temps et les forces t’ont manqué pour écrire. Pourtant j’ai besoin d’être rassuré, écris-moi dès que tu le pourras, envoie-moi sur la vente le plus de détails possible afin que je puisse renseigner quelques journaux d’ici qui me le demandent, je n’ai rien su que par les journaux de Paris et les correspondances de Bruxelles. Si j’ai quelque remercîment à faire à quelqu’un, écris-le moi. Est-il vrai qu’on n’ait pas vendu le grand lit doré ? Pourquoi ? Est-ce l’enchère qui a fait défaut ? La stalle gothique a-t-elle atteint le prix que je t’avais indiqué ? Écris-moi tout cela, et mille autres choses encore. Nous attendons avidement, Charles et moi. C’est Mme Guyon, la belle actrice de grand talent, qui emporte cette lettre en s’en retournant à Paris ; si elle te l’apporte elle-même, sois-lui gracieuse, comme tu sais l’être. C’est une digne et charmante personne. Je ne la charge pas d’une lettre pour Janin, je lui ai

  1. Clément-Janin. Victor Hugo en exil.
  2. Inédite.