Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mettez-moi, je vous prie, aux pieds de la généreuse artiste qui est votre femme, et qui a la flamme comme vous avez la lumière. Faites à vous deux le foyer. Vous méritez de mêler vos rayonnements.

Êtes-vous encore dans les bois ? Êtes-vous déjà à Paris ? J’envoie cette lettre un peu au hasard ; mais mon hasard à moi s’appelle Paul Meurice, c’est-à-dire providence, et je suis bien sûr qu’il trouvera moyen de vous faire parvenir ce mot. Oui, certes, vous seriez reçus avec grande joie dans notre petit goum de Guernesey. J’ai acheté sur la roche une masure que j’ai livrée aux maçons, mais qui sera prête l’an prochain et du seuil de laquelle l’exil vous tend les bras.

En attendant, faites-nous de belles et bonnes œuvres, et aimez-moi.

V. H.


À George Sand.


Hauteville-House, 2 octobre 1856.

C’est une joie pour moi de penser que votre grand esprit se tourne de temps en temps vers le mien, et, quand je lis mon nom dans ces nobles pages qui viennent de vous, il me semble que ce sont des lettres publiques que vous m’écrivez. Je me ferais l’effet d’être ingrat si je n’y répondais pas. Cependant vous n’avez besoin ni d’un remerciement ni d’un applaudissement. Vous avez, dans ce siècle, où presque tout ment un peu, la fière et simple allure d’une âme vraie. Je suis silencieusement et profondément heureux dans ma solitude de cette communion de nos âmes, je dirais presque de nos cœurs ; je me sens comme lié à vous dans la contemplation de la vérité et dans l’acceptation de la douleur, et j’envoie mon acclamation à tous vos sereins et magnifiques témoignages pour le progrès. Qui désespère de l’homme désespère de Dieu, c’est-à-dire n’y croit pas ; et toutes les religions aujourd’hui sont athées, toutes maudissent la lumière, c’est-à-dire l’aube même de la face divine. Vous, vous êtes croyante parce que vous êtes grande. Je vous remercie, je vous admire, et permettez-moi d’ajouter, je vous aime.

Victor Hugo.

Ma femme vous envoie ses plus tendres admirations et j’y joins mes respects[1].

  1. Archives de Mme Lauth-Sand.