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Bravo, c’est-à-dire merci !

Auguste Vacquerie.
Mouche.
Lux[1].


À Paul Meurice.


Jeudi 9 [décembre 1858].

Si le succès a la verve de la pièce, je ne sais où il s’arrêtera. Quelle œuvre charmante et touchante. Vous n’avez fait qu’un clavier de la gaîté et de la douleur, et sur ce clavier humain vous chantez un chant divin. C’est une comédie profondément nouée dans un drame, qui fait presque à la même minute jaillir du cœur le meilleur rire et les meilleures larmes. Votre Fanfan la Tulipe est une trouvaille ; mais pour trouver ces trouvailles-là, il faut être vous, c’est-à-dire le poëte doublé d’un philosophe, le philosophe centuplé d’un poëte. Bravo ! bravo ! bravo ! je m’époumonne à vous applaudir dans mon ouragan qui fait rage. Ô mon doux et charmant et généreux poëte, je sens moins l’exil quand je vous vois rayonner. Mon Dieu ! que je suis donc heureux de votre succès ! Venez donc, que nous causions de toutes ces scènes exquises, vives, vraies, éclatantes de rire et poignantes. Vous aussi, vous êtes un peu amoureux de Mme de Pompadour ; mais on le devient comme vous dans l’entraînement de cet amusant et pathétique drame. Je vous écris, le livre refermé, ayant encore une petite larme au coin de l’œil.

Quel ennui de vous parler de moi maintenant. Seriez-vous assez bon pour cacheter de noir et faire tenir à leurs adresses les quatre lettres que voici. Lisez la lettre à M. Nettement. Je l’ai écrite à propos de vingt lignes de lui sur moi qu’on m’a envoyées et qui sont extraites de L’Union, 12 octobre[2]. Tâchez donc de lire ce numéro de L’Union, et si, dans ce que je ne connais pas de l’article, il y avait des choses qui vous paraissent ne plus mériter ma lettre, jetez ma lettre au feu. Au cas contraire, envoyez-la à M. Nettement. — Je suis assez contrarié ; ma maison va être finie, et au moment de m’y asseoir, voici que les médecins veulent que je voyage. Comprenez-vous ce guignon ? Ce serait une absence de six semaines ou deux mois. Mais où aller ?

  1. Bibliothèque Nationale.
  2. Hetzel avait réuni les plus belles poésies écrites par Victor Hugo sur les enfants et venait de les publier sous ce titre : Les Enfants. Le Livre des Mères. A. Nettement, tout en louant fort le volume, en profita pour établir une comparaison entre le Victor Hugo royaliste et le républicain proscrit. Somme toute, l’ensemble de son article était plutôt bienveillant.