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À ERNEST HAMEL.

L’assassinat a été commis le 2 décembre. Leur sursis annoncé était une infâme ruse pour endormir l’indignation. Et c’est une république qui a fait cela ! Quelle sinistre folie que d’être propriétaire d’hommes, et voyez où cela mène ! voilà une nation libre tuant un libérateur ! Hélas, madame, j’ai vraiment le cœur serré. Les crimes de rois, passe, crime de roi est fait normal ; mais ce qui est insupportable au penseur, ce sont les crimes de peuple.

Je relis votre admirable lettre avec charme et consolation. Vous êtes grande, madame, vous aussi, vous avez vos épreuves. Elles augmentent, pour moi qui vous contemple souvent, la douce et fière sérénité de votre figure.

Je vous respecte et je vous admire.

Victor Hugo[1].


1860.


À Ernest Hamel[2].


Hauteville-House, 6 janvier 1860.


Monsieur,

C’est plus qu’un remercîment que je vous dois, c’est une émotion.

Je viens de lire l’article éloquent que vous avez bien voulu me consacrer dans le Courrier de l’Europe du 24 décembre. Tant de sympathie exprimée avec tant de talent, une cordialité si douce mêlée à des vues si hautes, cela me charme, je dis mieux, cela me touche, et je sens le besoin de vous serrer la main.

Ce serrement de main, je vous l’envoie ; ma lettre vous le portera ; vous l’y sentirez, n’est-ce pas ? Déjà j’avais eu l’occasion de vous exprimer ma profonde estime pour l’historien philosophe qui est en vous ; trouvez bon, je vous prie, qu’à cette estime s’ajoute désormais l’affection ; nous servons la même cause, nous luttons pour les mêmes principes, je me sens deux fois votre ami.

Victor Hugo[3].
  1. Archives de Mme Lauth-Sand.
  2. Ernest Hamel collabora à plusieurs journaux comme homme politique ; républicain, il combattit l’empire ; il écrivit quelques articles de critique littéraire, mais se distingua surtout par d’importants travaux historiques.
  3. Cette lettre fut insérée en 1860 en tête d’une étude : Victor Hugo, publiée par E. Hamel.