Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant on m’a imposé au nom de ma santé au moins un mois d’absence, et puis j’ai promis une station à Bruxelles. Il serait possible en outre que Hetzel vînt me rejoindre, il a écrit à Charles des lettres suppliantes pour que je ne reparte pas sans l’avoir vu, et Charles s’est joint à lui. Ce pourra être encore un petit retard. Mais que je voudrais donc vous embrasser tous !

J’espère que tout est comme je le désire à Hauteville-House et que je retrouverai les choses en bonne harmonie comme je les ai laissées. J’espère que tu es heureuse, et mon Adèle aussi. Je ne veux que votre bonheur à tous et à toutes.

Je recommande à ma chère Julie de bien tenir en réserve mes lettres et de me mettre de côté mes journaux. Je prie mon excellent beau-frère d’avoir grand soin des clichés que Bichard a dû renvoyer à Hauteville-House. M. Chenay qui est roi du cuivre et de l’acier sera bon prince pour mon plomb. Il sait combien on doit manier soigneusement le métal.

Si Victor est à Londres, envoie-lui ce mot. Chère amie, sois gaie et contente. Je t’embrasse tendrement[1].


À François-Victor[2].


Juliers, 17 août [1862].

Mon Victor, es-tu encore à Guernesey ? Je serai dans cinq jours à Dinant où je trouverai de vos lettres, je l’espère. Si tu es à Londres, ta mère t’enverra ce mot, écris-moi ton adresse à Londres et jusqu’à quelle époque tu y seras, chez M. Lacroix, 5 impasse du Parc, rue Royale, à Bruxelles. Charles m’a quitté hier. Je suis triste, et j’ai besoin de toi, besoin de vous tous. Notre voyage a été beau et charmant, nous avons vu un bon bout des Ardennes, et Trêves, et le cours de la Moselle, et un tronçon du Rhin de Coblentz à Cologne. Je me cache le plus que je peux, mais je suis parfois reconnu. Alors des ovations, et je me sauve. Tout le monde me parle de ton Shakespeare et te glorifie, Charles tout le premier. Il t’aime tant !

En ce moment, je suis à Juliers. Tout ce vieux Rhin allemand est un pays prêtre. À l’instant où je t’écris une procession passe sous ma fenêtre. C’est l’Assomption. On chante, on bat du tambour, un tas de ravissantes petites vierges grosses comme le poing, de six à dix ans, salue l’ostensoir ; elles sont blanches et bleues et tiennent des branches de lys, et les toutes petites se frappent gravement la poitrine pour nos péchés. Voilà le tableau. À la croisée

  1. Bibliothèque Nationale.
  2. Inédite.