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Aux Membres du Cercle démocratique de Pise.


Hauteville-House, 3 avril 1863.
Mes frères italiens,

Votre éloquente et noble lettre me va au cœur. J’accepte avec empressement la place que vous m’offrez parmi vous. L’Italie une et libre, c’est mon vœu comme le vôtre. Délivrer l’Italie, c’est grandir la civilisation.

Aujourd’hui, vendredi 3 avril, à l’heure où je vous écris, il y a dix-huit cent soixante-trois ans que Jésus-Christ est mort sur la croix. Il n’est pas mort à Rome. Il est mort à Jérusalem. Il paraît que les papes l’ont oublié, puisqu’ils se sont assis au sommet du Capitole sans voir que leur place est au pied du Calvaire. Le christianisme est moins auguste couronné au Vatican qu’agenouillé au Golgotha.

Une triple couronne de jouissances et d’orgueils terrestres représente étrangement la couronne d’épines.

Puisque les papes s’obstinent, puisqu’ils dédaignent Jérusalem, puisqu’ils usurpent Rome, l’Italie aussi s’obstinera. L’Italie reprendra Rome, par droit et par devoir. Elle reprendra Rome, comme elle reprendra Venise. Le pape est, comme le césar, un souverain étranger.

Je vous remercie, messieurs, je suis votre compatriote, et je serre vos mains.

Victor Hugo.


À Jules Janin.


Hauteville-House, 16 avril 1863.

Je reçois, cher confrère, votre éloquente et charmante lettre, et je vous réponds bien vite. Oui, l’absent est à vous, tout à vous, mais, hélas, il est l’absent.

Que je voudrais être, pour parler comme Saint-Simon, bombardé votant de Guernesey aux Quatre-Nations, le 23, crever le dôme de l’Institut et tomber au milieu de ces prunelles rondes, avec le vote-éclair : Jules Janin.

Je crois que, de peur de moi, et d’éblouissement de vous, vous seriez nommé.

Mais, hélas, le style, la poésie, la critique, le goût, l’esprit, le charme, la