Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/472

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d’être l’éditeur de M. de Lamartine devait vous suffire), vous me demandez si je vois un inconvénient à faire coïncider la publication de l’ouvrage de M. de Lamartine avec la publication du mien. J’y vois plus qu’un inconvénient, j’y vois une offense. Offense pour mon illustre ami Lamartine, offense pour moi. Cela fait une course au clocher. Nous devenons, Lamartine et moi, deux jeunes élèves concourant pour le prix sur un sujet donné. Vous n’avez pas songé à cet énorme ridicule. De plus il y a là mauvaise odeur de spéculation, diminuante pour une maison comme la vôtre déjà si haut placée, et que vos rares intelligences combinées honorent. Vous descendriez brusquement de l’esprit des grandes affaires à l’esprit des petites. Vous me dites : « Le succès que j’espère pour votre livre entraînerait la vente de l’étude de M. de Lamartine. » Je doute qu’il puisse m’être donné de remorquer un grand poëte comme M. de Lamartine, et je doute qu’il soit agréable à M. de Lamartine d’être remorqué. Ceci, qui me froisse, ne le froisserait pas moins profondément, certes, s’il savait votre pensée. Cette pensée, elle est fâcheuse, abandonnez-la, mettez au moins six mois d’intervalle entre les deux publications pour l’honneur des deux écrivains et pour le respect dû à Lamartine, laissez l’étude de M. de Lamartine sur Shakespeare paraître à sa date dans la série que vous m’envoyez, et où elle est la septième. Ce tour de faveur que vous lui donneriez serait, je viens de vous le faire toucher du doigt, un tour d’offense. M. de Lamartine, s’il savait pourquoi vous le publiez en même temps que moi, ne vous le pardonnerait pas. Six mois d’intervalle au moins. Je m’oppose formellement à toute simultanéité et vous avez bien fait de me consulter. Mettez maintenant tous vos soins à l’exécution de notre traité, à la prompte publication du livre, à paraître, non vers le 20 mars (erreur de votre lettre) mais le 20 mars au plus tard. Hier encore je n’ai pas reçu d’épreuves. Relisez les détails de poste envoyés par moi, il faut maintenant attendre jusqu’à mardi. Trois jours de perdus. Je vous ai dit, et je vous répète qu’une partie très importante de l’ouvrage : Shakespeare et l’Angleterre, donnant des conseils pour le jubilé, veut absolument être publiée au moins un mois avant ce jubilé, qui est le 23 avril. Un retard me forcerait de retrancher cette partie, très importante, j’y insiste, et qui deviendrait sans objet. Hâtez-vous, hâtez-vous, hâtez-vous. Ne faites pas sortir de son rang dans la série (le 7e) l’étude de M. de Lamartine, publiez-la en septembre, ou quand vous voudrez, la simultanéité étant évitée par six mois au moins, et publiez-moi en mars. (le 20. Songez à cette date de rigueur désormais.)

Des épreuves ! des épreuves !

Mille affectueux compliments.

V. H.