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À Philippe Burty.


H.-H., 14 décembre [1865].

Vous me demandez mon portrait, cher monsieur, et c’est moi qui vais vous le demander. Quoi ? mon portrait ? Oui, mon portrait. Faites-moi un plaisir, rendez-moi un service. Vous êtes à Paris, vous êtes influent et puissant, moi je suis absent et solitaire, voulez-vous voir pour moi mon excellent ami M. Carjat, à qui j’ai envoyé les Chansons des Rues et des Bois, et lui exposer ma détresse ? Il m’avait promis de m’envoyer mes portraits-cartes. Je n’en ai pas. En a-t-il encore ? S’il en a, peut-il m’en donner ? S’il vous en donne pour moi, prenez la meilleure épreuve et apportez-la moi ici vous-même, parce que j’écrirai au bas votre nom et le mien. J’ai du front, n’est-ce pas, de vous proposer ainsi, à brûle-pourpoint, mon rocher, mon océan, ma solitude et mon image. Je me figure que mon hiver peut vous tenter, vous qui êtes dans la lumière. Tels sont nos rêves.

Oh ! la ravissante petite fille[1]. Et comme ce charmant portrait accompagne bien votre charmante lettre ! Il la complète. À propos de belles choses, avez-vous lu l’admirable article de M. de Saint-Victor ? La Gazette d’ici l’a reproduit avec enthousiasme. Pensez un peu à moi. À bientôt.

Je vous serre la main ex imo.

Victor Hugo[2].


À François-Victor[3].


H.-H., 19 Xbre [1865].

Voici, mon Victor, ton remboursement[4]. J’ai eu le mois dernier une petite ophtalmie, à la vérité très aigüe. La voilà maintenant dans tous les journaux, et ce bobo devient un événement européen. Victor Hugo aveugle, un œil sévère fermé à jamais, cela plaisait aux hontes du temps présent.

  1. Philippe Burty avait envoyé à Victor Hugo le portrait de sa fille avec ces lignes : « Ne sachant comment vous remercier, je vous envoie le portrait de ma petite fille, un joli poëme blond et rose qui a été ébauché il y a cinq ans. Elle s’appelle Madeleine. Elle est fine comme le parfum de l’ambre ». 25 novembre 1862.
  2. La Revue, octobre 1923.
  3. Inédite.
  4. Suivent les comptes de ménage.