Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/525

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est augmentée et précédée d’un Chapitre préliminaire nouveau, intitulé l’Archipel de la Manche. Ce chapitre tiré exprès à part, sera délivré gratuitement aux acheteurs de la première édition sur la présentation de leur exemplaire, à la seule condition de laisser apposer une estampille sur la première page du premier volume. Cette distribution gratuite se fera exclusivement à Paris, à Bruxelles et à Leipsick, aux trois maisons centrales de librairie de la maison Lacroix. »)

Enfin, dans le cas où mes éditeurs n’adopteraient aucun de ces deux partis, je leur dis de me renvoyer immédiatement le manuscrit.

Réponse des éditeurs : Vous nous laissez le choix. Nous optons pour l’ajournement. Nous publierons ce Chapitre plus tard. Il ravivera le succès. En attendant nous le mettons sous clef.

Ma réplique : Pardon. Ce ne sont point là les conditions de l’option que je vous ai laissée.

Réponse des éditeurs : Elles nous semblent inexécutables.

Ma réplique : Alors renvoyez-moi mon manuscrit.

On ne me renvoie pas le manuscrit. Puis-je rester dans cette situation ? Laisser en des mains tierces un manuscrit dont on peut abuser, risquer la tuile d’une publication intempestive, dans trois ou six mois au gré de mes éditeurs (mon excellent éditeur et ami M. Lacroix est un peu l’homme aux tuiles, 1864 — tuile Lamartine. [Rappelle-toi, Victor.]: 1865 et 66 — tuile Proudhon).

Alors j’insiste. Ou publiez tout de suite, ou renvoyez-moi le manuscrit. J’en veux rester maître.

Mes éditeurs préfèrent publier tout de suite[1].

C’est donc leur volonté, et non la mienne, qu’ils font. C’est leur choix et non le mien.

Quant à moi, j’atténue l’inconvénient autant que possible, je le fais même disparaître, je crois, en recommandant d’imprimer ce Chapitre préliminaire en

  1. « Il y a risque en effet à la publication immédiate. C’est alourdir le roman d’un document, curieux, mais étranger au drame.
    Pourtant j’aime mieux le risque actuel que le risque éventuel. Je puis mesurer le premier, non le second. Du moment où le manuscrit n’est plus en mes mains seules, il peut lui arriver des aventures. Une indiscrétion d’un commis de la maison Lacroix, ou même d’un associé, suffit. Je puis voir paraître brusquement cette chose dans une revue, dans un journal, dans Le Figaro, que sais-je ? par fragments ou autrement. Cela peut me tomber sur la tête au moment où je garderai systématiquement le silence, et de la façon la plus inopportune. J’exècre les épées de Damoclès.
    Il me faut ou la publication immédiate (malgré ses inconvénients) ou la publication avec la deuxième édition bonne et utile, avec l’avis du don gratuit aux premiers acheteurs (voir la note de l’autre page) — ou enfin la restitution immédiate de ce chapitre préliminaire entre vos mains. »( Note de Victor Hugo.)