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ramène à mes proportions. C’est égal, vous êtes un esprit charmant, délicat et fort ; vous habitez la patrie, vous pouvez quand bon vous semble aller voir Notre-Dame et le Départ de l’Ange de Rembrandt, vous avez la plus exquise petite fille qui soit au monde et je me déclare effrontément votre envieux.

Victor Hugo[1].


À Gilbert Lacroix.


H.-H., 21 janvier 66.

Le temps me manque, mon cher monsieur Lacroix, pour écrire de longues lettres. Suppléez, je vous prie, à mon laconisme forcé. Je vais tout de suite au fait :

Hypothèse d’un abus de confiance de votre part. Je n’ai rien dit de pareil. Je n’ai parlé que d’une indiscrétion possible. Un manuscrit inédit est une responsabilité que je ne dois laisser à personne. Mon mécontentement venait de votre persistance à le garder malgré mes réclamations. C’est ce qui me décidait à risquer plutôt la publication immédiate. L’ajournement me va, et me satisfait. Le manuscrit est rentré en mes mains. Tout est donc bien. Nous déciderons plus tard les questions de publication, d’opportunité, etc. — 1 franc — ou mieux : 75 centimes de mise en vente pourrait en effet résoudre la difficulté de loyauté qui me préoccupe.

Magnifique affaire Proudhon. Risquer une condamnation qui peut avoir des suites graves (une deuxième), je trouve cela fâcheux[2]. Et pour qui ? pour un écrivain très adopté des bonapartistes, qui sont fort sceptiques eux aussi (le sénateur athée feu Vieillard, et tant d’autres, vivants), pour un écrivain qui avoue lui-même avoir, après le coup d’état, reçu de l’argent des Bonaparte, et avoir demandé une place au Sénat ! J’accepte, a-t-il écrit. Être condamné pour ce candidat sénateur, c’est perdre sa cause deux fois, devant les juges que je méprise, et devant la démocratie que je défends et que je sers. C’est là le sens, bien clair, de mon ironie : magnifique opération. Ces deux causes de mécontentement vous expliquent tout. Nul rapport ne m’a été fait. Je dédaigne la coalition d’ennemis dont vous me parlez ; elle a la minute,

  1. Lettres à Philippe Burty. La Revue, octobre 1903. Sans signature.
  2. Une deuxième condamnation fut prononcée en effet contre Lacroix (un an de prison et 1 500 francs d’amende); l’associé de Lacroix, Verboeckhoven, fut condamné à 1 500 francs d’amende, et l’imprimeur, Poupart-Davyl , à trois mois de prison et 300 francs d’amende.