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À Jean Aicard[1].


Hauteville-House, 18 juin [1866].

Jeanne d’Arc (je lui maintiens cette belle orthographe de guerrière) vous a noblement inspiré. Vous nous faites traverser avec elle les livides lueurs de l’orage des armes.

Pour ces traits puissants, aucun historien ne vaut le poëte. Vos strophes émues chantent et pleurent.

Je vous remercie comme citoyen, je vous applaudis comme poëte.

Victor Hugo.

Je pars. Je serai à Bruxelles fin juin[2].


À Georges Métivier.


Hauteville-House, 18 juin 1866.

Je viens de lire, cher monsieur Métivier, les épreuves que vous avez bien voulu m’envoyer. Votre honorable lettre me touche vivement. Il n’y a pour moi que deux poëtes, le poëte universel et le poëte local. L’un incarne l’idée « Humanité », l’autre représente l’idée « Patrie ».

Ces idées sont jointes. Homère a été l’un, Burns[3] a été l’autre.

Quelquefois, la patrie c’est le clocher, le village, le champ ; c’est la charrue ou la barque, toutes deux nourrices de l’homme. L’idée « Patrie », ramenée ainsi à son rudiment, se restreint sans l’amoindrir ; pour être moins auguste, elle n’est pas moins touchante, et ce qu’elle perd en majesté, elle le regagne en douceur.

C’est ce clocher natal, c’est ce mélancolique et profond champ des aïeux, c’est ce foyer sacré de la famille que je retrouve dans vos vers si savants dans leur naïveté, si gracieux dans leur rudesse.

Vous parlez avec un charme pénétrant de la bonne vieille langue normande. Je félicite votre pays de vous avoir. Ce que Burns a été pour l’Écosse, vous l’êtes pour Guernesey.

  1. Inédite.
  2. Communiquée par M. Léon de Saint-Valéry.
  3. Robert Burns, poète écossais, chanta la gloire de sa patrie dans des poëmes qui sont restés célèbres en Écosse.