Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome II.djvu/83

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J’en attends d’ailleurs d’autres de Londres. J’ai déjà eu de fort bonnes ouvertures. Mon 2 décembre ne pourra être publié qu’en Angleterre.

Je travaille sans relâche. J’ai pourtant fait faire hier à Charles une excursion à Louvain qui l’a grandement intéressé. Il te la contera. Girardin vient de m’écrire qu’il avait des offres à faire à Charles. Nous verrons. Il n’y a que l’immédiat qui puisse faire travailler Charles.

J’attends de Victor, d’Adèle, de toi, de tous, de longues et prochaines lettres. J’espère que mes deux enfants bien-aimés se portent bien, et toi aussi que j’embrasse bien fort. Amitiés les plus tendres à Auguste, à Paul Meurice. Hommages aux pieds de Mme Paul[1].


À Madame Victor Hugo[2].


Bruxelles, 8 mars [1852].

Ne te plains pas de nous, chère amie, ne te plains pas de moi surtout, qui pense sans cesse à toi et à vous tous ; ce qui nous manque pour t’écrire, ce sont les occasions. Tu en jugeras par ce mot du 27 février que M. Coste devait te porter. Il n’est pas parti. C’est au contraire Berru[3] qui est venu le rejoindre. Ce pauvre Berru est condamné à la déportation par ces drôles. Depuis ce jour-là, pas d’occasion pour Paris. Tout à l’heure on me fait dire qu’il y en aura une pour midi. Il est onze heures et demie. Je te griffonne bien vite ce mot. À la première occasion que je saurai seulement la veille, je t’enverrai une longue lettre, et j’écrirai aussi à tous. Je travaille toujours ardemment, et je suis toujours un peu ennuyé d’avoir à refaire à cause des nouveaux détails ou des renseignements contradictoires qui m’arrivent. Somme toute, le livre sera curieux jusqu’à l’étrange. J’écoute, j’interroge, je note, je confronte, je me fais l’effet du greffier de l’histoire. Un journal d’ici, le Sancho, disait ceci l’autre jour :

« Aussi la France n’est plus à Paris, elle est à Bruxelles avec Victor Hugo, le grand poëte, le profond penseur, à qui Dieu et la France semblent avoir remis le soin de venger un grand peuple en marquant au front, d’une parole ineffaçable et vengeresse, l’escamoteur du 2 décembre. »[4]

  1. Bibliothèque Nationale.
  2. Inédite.
  3. Camille Berru, journaliste, faisait partie de la rédaction de l’Événement en 1851 ; ses opinions lui valurent la proscription, il fut de plus condamné à la déportation, Cayenne l’attendait, il gagna Bruxelles. Charles Hugo, dont il était l’ami, raconta dans Les Hommes de l’exil les luttes de Camille Berru pour gagner sa vie. Il réussit pourtant, après des années de misère, à devenir secrétaire de rédaction à L’Indépendance belge.
  4. Extrait de journal collé sur la lettre.