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1849.


À M. Guizot[1].


Paris, 10 janvier [1849].

Tout votre grand esprit, monsieur et cher confrère, est dans votre livre. Vous êtes de ces natures supérieures qui trouvent la sérénité au-dessus des orages. À chaque instant je m’écrie en vous lisant : Comme c’est vrai ! Seulement je jette un regard moins triste sur l’avenir.

Je suis fermement résolu à lutter pour le salut de mon pays et à dire toujours, à tous et en face, ce qui est pour moi le juste et le vrai. Vous m’avez aperçu de loin sur cette brèche de l’ordre social, et pendant que vous vouliez bien penser à moi, je me souvenais de vous. Mon fils vous l’a prouvé.

La providence vous réserve encore un grand et utile avenir. Votre pays a besoin de votre plume et de votre parole. Je serai heureux de vous revoir au mois de mars et en attendant je vous envoie du fond du cœur un serrement de main.

V. H.[2]
  1. Inédite. — Historien et homme politique, Guizot eut une grande influence sur les destinées du pays. Ministre de l’Intérieur, puis des Affaires étrangères sous Louis-Philippe, son intransigeance fut fatale à la monarchie ; il refusa toute réforme, il repoussa toutes les revendications des libéraux et se rendit tellement impopulaire qu’il entraîna le roi dans sa chute et provoqua la révolution de 1848. Il passa alors en Angleterre où il reprit ses travaux et publia de nombreuses études historiques. Victor Hugo a laissé de lui dans Choses Vues un portrait curieux. — Guizot avait écrit de Brompton le 5 janvier à Victor Hugo.
    Nous avons trouvé le brouillon de la réponse précédé de ces quelques lignes :
    « M. Guizot m’a écrit en m’envoyant son livre De la Démocratie en France. (Ci-joint sa lettre que M. Genin m’a apportée.) Je lui ai répondu. »
    Au bas de ce brouillon le commentaire suivant :
    Je ne pouvais, ni ne devais froisser l’homme tombé. Et puis je crois toujours à l’avenir du talent. — Pourtant il manque une chose à M. Guizot, c’est de croire au peuple. Ne pas croire au peuple, c’est être athée en politique. Vox populi, vox Dei.
  2. Bibliothèque Nationale.