Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome III.djvu/160

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compter sur moi. Le peu que je suis et le peu que je puis appartient à votre noble cause. La cause de la Crète est celle de la Grèce et la cause de la Grèce est celle de l’Europe. Ces enchaînements-là échappent aux rois et sont pourtant la grande logique. La diplomatie n’est autre chose que la ruse des princes contre la logique de Dieu. Mais dans un temps donné Dieu a raison.

Dieu et Droit sont synonymes. Je ne suis qu’une voix, opiniâtre, mais perdue dans le tumulte triomphal des iniquités régnantes. Qu’importe, écouté ou non, je ne me lasserai pas. Vous me dites que la Crète me demande ce que l’Espagne m’a demandé. Hélas ! je ne puis que pousser un cri. Pour la Crète je l’ai fait déjà, je le ferai encore. Oui, comptez sur moi. J’appartiens à la Grèce autant qu’à la France. Je donnerais pour la Grèce mes strophes comme Tyrtée et mon sang comme Byron. Votre pays sacré a mon profond amour. Je pense à Athènes comme on pense au soleil.

Je vous serre la main.

Victor Hugo.

Félicitez de ma part l’excellent traducteur d’Hernani. Je suis fier de me voir dans la langue d’Homère.


À Auguste Vacquerie[1].


H.-H., 23 Xbre 1868.

Cher Auguste, un codicille de ma femme contient ceci :

« Je donne à Auguste mon pupitre de laque et tous les petits objets qui sont sur ma table à écrire. Je lui donne en plus une aumônière qui me vient de Mme Dorval et qui est suspendue au-dessus du portrait que j’ai fait de ma Didine.

« À Paul Meurice Napoléon le Petit et les Châtiments ; les deux ouvrages reliés ensemble, que m’a donnés mon mari, ont sur la couverture mes deux initiales A. H.[2].

« A Madame Paul Meurice le bracelet d’argent que je porte journellement et qui m’a été donné par Auguste.

« À Émile Allix les deux Hamlet. Ce livre qui m’a été donné par mon Victor est relié en maroquin rouge. »

Le codicille est daté 21 février 1862. Depuis cette époque ma femme a cessé d’habiter Guernesey. Les objets qui étaient sur sa table en 1862 ont disparu.

  1. Inédite.
  2. Ce petit volume a été donné par Paul Meurice à la Bibliothèque de la Maison de Victor Hugo.