Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome III.djvu/313

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ordre, je vous attendrai à dîner jeudi 18, à sept heures, rue Pigalle, 55. C’est là que nous avons dressé notre tente. Maintenant que me voilà un peu hors de l’ouragan politique, je serai bien heureux de causer avec vous de tout ce que nous aimons ensemble, et de faire reprendre à mon esprit un bain d’idéal, d’art et de poésie. Vous viendrez, n’est-ce pas ? envoyez-moi un bon oui.

Tuus ex imo.
Victor Hugo.

Je demeure rue de Larochefoucauld 66, et je dîne en face, rue Pigalle, 55[1].


À Madame Zélie Robert.


1er février. Paris.

Ceux qui se plaignent de moi, madame, ont tort et ont raison. On me croit puissant, et je ne le suis pas ; on me croit millionnaire, et je suis loin de l’être. De là des déceptions. Je fais ce que je puis, et ce que je puis est bien peu. J’ai épuisé cette année toutes mes ressources ; j’ai donné depuis un an plus de vingt-cinq mille francs; qu’est-ce que cette goutte d’eau dans l’immense misère publique ? Rien. Et ce rien est beaucoup pour moi. Donc on a raison, et l’on a tort. Vous, madame, noble femme que vous êtes, vous me rendez justice, et vous savez que je n’épargne aucun effort pour aider, secourir et délivrer ceux qui souffrent.

Votre fils m’a écrit ; je m’occupe de lui ; mais, à vrai dire, je ne compte que sur l’amnistie. On va jouer Ruy Blas[2] ; dès que j’en serai débarrassé, je donnerai séance à notre excellent Nadar, car je tiens à vous obéir, madame. Vous êtes tout à la fois une généreuse mère et une charmante femme. Offrez à M. votre mari mes meilleurs compliments, et croyez, Madame, que je serai bien heureux de ne pas être inutile à votre pauvre jeune fils[3].

Victor Hugo[4].

Je vous envoie tous mes vœux de succès et je mets tous mes hommages à vos pieds.

  1. Collection Paul de Saint-Victor.
  2. Au théâtre de l’Odéon.
  3. Institut de Littérature. Léningrad. Collection Modialevsky — Communiquée par la Société des Relations culturelles entre l’U. R. S. S. et l’étranger.
  4. Il semble, d’après cette lettre et la lettre suivante, que le fils de Mme Zélie Robert ait été mêlé aux troubles de la Commune, en 1871, et ait été condamné à la déportation.