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LÉGENDE DU BEAU PÉCOPIN.

la science blanche dans la robe noire et la science noire dans la robe blanche.

Pécopin avait remis son épée au fourreau et marchait à grands pas vers le manoir, dont les fenêtres, déjà égayées d’un rayon de soleil, semblaient rendre à l’aube son sourire. Comme il approchait du pont, duquel il ne reste qu’une arche aujourd’hui, il entendit derrière lui une voix qui disait : — Eh bien, chevalier de Sonneck, ai-je tenu ma promesse ?


XVI

où est traitée la question de savoir si l’on peut
reconnaître quelqu’un qu’on ne connaît pas.

Il se retourna. Deux hommes étaient debout dans la bruyère. L’un était le piqueur masqué, et Pécopin frissonna en l’apercevant. Il portait sous son bras un grand portefeuille rouge. L’autre était un vieux petit homme bossu, boiteux et fort laid. C’était lui qui avait parlé à Pécopin, et Pécopin cherchait à se rappeler où il avait vu ce visage.

— Mon gentilhomme, reprit le bossu, tu ne me reconnais donc pas ?

— Si fait, dit Pécopin.

— À la bonne heure !

— Vous êtes l’esclave des bords de la mer Rouge.

— Je suis le chasseur du bois des pas perdus, répondit le petit homme.

C’était le diable.

— Sur ma foi, repartit Pécopin, soyez ce qu’il vous plaît d’être ; mais, puisque en somme vous m’avez tenu parole, puisque me voilà à Falkenburg, puisque je vais revoir Bauldour, je suis vôtre, messire, et en toute loyauté je vous remercie.

— Cette nuit tu m’accusais. Que t’ai-je dit ?

— Vous m’avez dit : Attends la fin.

— Eh bien, maintenant tu me remercies ; et je te dis encore : Attends la fin ! Tu te pressais peut-être trop de m’accuser, tu te hâtes peut-être trop de me remercier.

En parlant ainsi, le petit bossu avait un air inexprimable. L’ironie, c’est le visage même du diable. Pécopin tressaillit.

— Que voulez-vous dire ?

Le diable lui montra le piqueur masqué.

— Reconnais-tu cet homme ?

— Oui.