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FRANCFORT-SUR-LE-MEIN.



LETTRE XXIV.
Francfort-sur-le-Mein.


Quel aspect présente une certaine rue de Francfort un certain jour de la semaine. — Ce qui abonde à Francfort. — Quel est le plus grand danger que Francfort puisse courir. — L’auteur va à la boucherie. — Il pousse beaucoup de cris d’enthousiasme. — Le massacre des Innocents. — L’auteur oublie tous ses devoirs au point de désobéir à une petite fille de quatre ans. — La place publique. — Les deux fontaines. — L’auteur dit des vérités à la Justice. — Le Rœmer. — Utilité d’une servante qui prend une clef à un clou dans sa cuisine. — Salle des électeurs. — Détails. — Salle des empereurs. — Les quarante-cinq niches. — Ce qui se passait dans la place quand les électeurs avaient élu l’empereur. — Ce qui se passait à l’église après ce qui s’était passé dans la place. — L’église collégiale de Francfort. — Ce qui pend aux murailles. — L’horloge. — Les tableaux. — Sainte-Cécile telle qu’on l’a trouvée dans son tombeau. — La couronne impériale. — Saint-Barthélemy. — Gunther de Schwarzbourg. — L’auteur monte sur le clocher. — Francfort-sur-le-Mein à vol d’oiseau. — Les habitants du haut du clocher. — Philosophie.


Mayence, septembre.

J’étais à Francfort un samedi. Il y avait longtemps déjà que, marchant au hasard, je cherchais mon vieux Francfort dans un labyrinthe de maisons neuves fort laides et de jardins fort beaux, lorsque je suis arrivé tout à coup à l’entrée d’une rue singulière. Deux longues rangées parallèles de maisons noires, sombres, hautes, sinistres, presque pareilles, mais ayant cependant entre elles ces légères différences dans les choses semblables qui caractérisent les bonnes époques d’architecture ; entre ces maisons toutes contiguës et compactes, et comme serrées avec terreur les unes contre les autres, une chaussée étroite, obscure, tirée au cordeau ; rien que des portes bâtardes surmontées d’un treillis de fer bizarrement brouillé ; toutes les portes fermées ; au rez-de-chaussée rien que des fenêtres garnies d’épais volets de fer ; tous ces volets fermés ; aux étages supérieurs, des devantures de bois presque partout armées de barreaux de fer ; un silence morne, aucun chant, aucune voix, aucun souffle ; par intervalles le bruit étouffé d’un pas dans l’intérieur des maisons ; à côté des portes un judas grillé à demi entr’ouvert sur une allée ténébreuse ; partout la poussière, la cendre, les toiles d’araignées, l’écroulement vermoulu, la misère plutôt affectée que réelle ; un air d’angoisse et de crainte répandu sur les façades des édifices ; un ou deux passants dans la rue me regardant avec je ne sais quelle défiance effarée ; aux fenêtres