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LE RHIN.

rons, les quatre possessions, les quatre veneurs, les quatre offices de Souabe, et les quatre serviteurs. Chacun d’eux faisait porter devant lui, par son maréchal particulier, une épée à fourreau doré. Ils appelaient les autres princes les têtes couronnées, et se nommaient les mains couronnantes. La bulle d’or les comparait aux sept dons du Saint-Esprit, aux sept collines de Rome, aux sept branches du chandelier de Salomon. Parmi eux, la qualité électorale passait avant la qualité royale ; l’archevêque de Mayence marchait à la droite de l’empereur, et le roi de Bohême à la droite de l’archevêque. Ils étaient si grands, on les voyait de si loin en Europe, et ils dominaient les nations de si haut, que les paysans de Wesen, en Suisse, appelaient et appellent encore les sept aiguilles de leur lac Sieben Churfürstein, les Sept-Électeurs.

Le Kœnigsstühl a disparu, les électeurs aussi. Quatre pierres aujourd’hui marquent la place du Kœnigsstühl ; rien ne marque la place des électeurs.

Au seizième siècle, quand la mode arriva de nommer l’empereur à Francfort, tantôt dans la salle du Rœmer, tantôt dans la chapelle-conclave de Saint-Barthélemy, l’élection devint une cérémonie compliquée. L’étiquette espagnole s’y refléta. Le formulaire fut minutieux ; l’appareil sévère, soupçonneux, parfois terrible. Dès le matin du jour fixé pour l’élection, on fermait les portes de la ville, les bourgeois prenaient les armes, les tambours du camp sonnaient, la cloche d’alarme tintait ; les électeurs, vêtus de drap d’or et revêtus de la robe rouge doublée d’hermine, coiffés, les séculiers du bonnet électoral, les archevêques de la mitre écarlate, recevaient solennellement le serment du magistrat de la ville, qui s’engageait à les garantir de la surprise l’un de l’autre ; cela fait, ils se prêtaient eux-mêmes serment les uns aux autres entre les mains de l’archevêque de Mayence ; puis on leur disait la messe ; ils s’asseyaient sur des chaires de velours noir, le maréchal du saint-empire fermait les huis, et ils procédaient à l’élection. Si bien closes que fussent les portes, les chanceliers et les notaires allaient et venaient. Enfin les très révérends tombaient d’accord avec les très illustres, le roi des romains était nommé, les princes se levaient de leurs chaires, et, pendant que la présentation au peuple se faisait aux fenêtres du Rœmer, un des suffragants de Mayence chantait à Saint-Barthélemy un Te Deum à trois chœurs sur les orgues de l’église, sur les trompettes des électeurs et sur les trompettes de l’empereur.

Le tout au bruit des großes cloches sonnées sur les tours, et des gros canons qu’on laschoit de joye, dit, dans son curieux manuscrit, le narrateur anonyme de l’élection de Mathias II.

Sur le Kœnigsstühl, la chose se faisait plus simplement, et plus grandement, à mon sens. Les électeurs montaient processionnellement sur la plate-forme par les quatorze degrés, qui avaient chacun un pied de haut, et pre-