Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/410

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sur son tréteau cette antique cadence de Polichinelle, Fantoccini, burattini, puppi, dont nous avons fait en France la villanelle :

Le pantalon

De Toinon

N’a pas d’fond.

Le Pantalon et le Sauvage se regardaient sans se comprendre, comme deux habitants de deux lunes différentes.

On ne traverse pas une foire, celle-là surtout, sans acheter. Je me suis laissé faire, j’ai ouvert ma bourse, et j’ai envoyé à la fonda tout ce qu’on m’a vendu.

À mon retour, j’ai trouvé sur ma table une pacotille complète de colporteur : des amulettes de Saragosse en or, en vermeil, en filigrane, des jarretières à devises de Ségovie, des bénitiers en verre de Bilbao, des veilleuses en fer-blanc de Cauterets, une boîte d’allumettes chimiques de Ernani, une botte de bâtons résineux qui tiennent lieu de chandelles à Elizondo, du papier de Tolosa, une ceinture de montagnard du col de Pantacose, un bâton de bois ferré, des souliers de corde, et deux muletas de Pampelune qui sont d’une laine magnifique, d’un travail grossier et d’un goût exquis.


À part cette foire et quelques carrefours, Pampelune reste morne et silencieuse tout le jour ; mais, dès que le soir vient, dès que le soleil est couché, dès que les vitres et les lanternes s’allument, la ville s’éveille, la vie tressaille partout, la joie étincelle ; c’est une ruche en rumeur. Une fanfare à trompettes et à cymbales éclate sur la grande place ; ce sont les musiciens de la garnison qui donnent une sérénade à la ville. La ville répond. À tous les étages, à toutes les fenêtres, à tous les balcons, on entend des chants, des voix, des bruits de guitares et de castagnettes. Chaque maison sonne comme un énorme grelot. Ajoutez à cela les angélus de tous les clochers de la ville.

Vous croyez peut-être que cet ensemble est discordant, et que de tous ces concerts mêlés il ne sort qu’un immense charivari parfaitement réussi. Vous vous tromperiez. Quand une ville se fait orchestre, il en sort toujours une symphonie. Le vent adoucit les tons criards, l’espace éteint les sons faux, tout s’estompe dans l’ensemble, et le résultat est harmonieux. En petit, ce serait un vacarme ; en grand, c’est une musique.

Cette musique égaie la population. Les enfants jouent devant les boutiques ; les habitants sortent des maisons ; la grande place se couvre de promeneurs ; les prêtres et les officiers abordent les femmes en mantilles ; les